On a déjà fait trois fois le tour de Netflix, essayé toutes les variantes de cours de yoga inimaginables et tenté coûte que coûte de faire du pain, en vain. Notre vie sociale est réduite à quelques appels plus ou moins réussis sur HouseParty, entre wifi qui bugue, conversations inaudibles et parents qui ne savent pas cadrer leur visage en entier dans l'écran ("on voit seulement un gros plan sur ton oreille, maman").
Chaque jour, les longues heures qu'on ne parvient pas à combler nous servent à cogiter. On repense à nos choix, à nos excès de courage, à nos erreurs. On n'a que ça à foutre, en même temps, donc on rumine. Et on divague souvent sur un sujet épineux : nos relations passées. Une, en particulier. Celle qui ne s'est pas terminée comme on l'aurait souhaité. Les circonstances exceptionnelles nous poussent à croire que l'occasion est idéale pour contacter l'autre. Juste comme ça, pour prendre de ses nouvelles. Peut-être qu'il ou elle aussi, pense à nous en regardant par la fenêtre ? Et peut-être qu'il suffira d'un signe, un matin, pour relancer la machine.
Puisqu'on n'est pas dans une chanson de Jean-Jacques Goldman, on préfère mettre un terme net à ces divagations farfelues : il s'agit probablement de la pire idée qu'on ait jamais eue. Avec le pain. Pourquoi ? Simplement parce qu'on oublie un détail essentiel : le confinement nous rend dingue. Et donc inapte à prendre des décisions sensées, qu'on ne regrettera pas une fois qu'on pourra remettre un pied dehors. Le principe même de l'auto-isolation n'est pas idéale pour l'humain, physiquement comme psychologiquement, il faut donc veiller à remettre en question ses pulsions. Surtout celles qui impliquent celui ou celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.
"Nous sommes des êtres intrinsèquement relationnels", insiste Charlotte Armitage, psychologue, auprès de Stylist. "Nos vies sont construites autour d'une série de dynamiques relationnelles différentes. En ce moment, alors que nous sommes au milieu d'une pandémie qui menace notre vie, nos émotions sont instables en réaction à l'environnement instable". Pour la faire courte : le bouleversement de notre quotidien influe sur notre esprit, et crée des envies qui ne se seraient pas manifestées en temps "normal". Rien de grave si on s'en tient à des hypothèses nostalgiques, c'est plutôt la concrétisation de la pensée qui pose problème. Et ses conséquences post-confinement.
"Nous devons nous rappeler qu'à l'heure actuelle, notre perspective a changé en raison de la situation, mais ce sera fini un jour", poursuit l'experte. "Si vous relancez cette relation aujourd'hui, souhaiterez-vous vraiment rester en contact avec cette personne lorsque vous retrouverez un semblant de normalité ? Réfléchissez-y avant de contacter votre ex, [car] cela pourrait vous causer à tous les deux des ennuis inutiles". Et un retour à la case départ dont on se passerait bien.
D'accord, le phénomène n'est ni isolé, ni catastrophique, et surtout très compréhensible. Voire honorable. "Nos ex sont peut-être des ex pour une raison, mais ce n'est pas parce que la relation n'a pas fonctionné que nous ne nous soucions plus d'eux - et dans des moments comme celui-ci, il est naturel de penser aux personnes avec lesquelles nous avions autrefois des liens personnels profonds et intimes", ajoute Charlotte Armitage. L'important, c'est de continuer à garder ces souvenirs pour soi.
Et pour se convaincre que l'autre appartient bel et bien au passé, la psychologue propose quelques exercices faciles : "envisagez votre vie après le Covid-19 et demandez-vous si vous aimeriez que votre ex fasse partie du paysage. Ou bien, peut-être qu'écrire une lettre qui lui serait adressée suffira à satisfaire cette envie, sans que vous n'ayez à l'envoyer. Si rien de tout ça ne fonctionne, faites face aux raisons pour lesquelles vous voulez lui parler". Quand ce besoin s'est-il présenté exactement, pourquoi, qu'attendez-vous de l'échange... essayez d'aller au fond des choses. Et quand vous aurez répondu sincèrement à toutes ces questions, et que vous aurez enfin affronté la vérité, supprimez son numéro pour de bon.