C'est une question qui tourmente tou·te·s les Français·es : alors que la population est confinée depuis le 17 mars, quand sera-t-elle autorisée à ressortir et dans quelles conditions ? Si le gouvernement martèle que la question n'est pas du tout d'actualité alors que le très redouté pic épidémique n'a pas encore atteint et que le nombre de décès causés par le Covid-19 ne cesse de croître de façon dramatique (avec 8 911 morts, la France est le quatrième pays au monde le plus touché), la question de "l'après" est pourtant dans tous les esprits.
Testing massif, masques, déconfinement par région ... Les précautions devraient être de mise pour éviter l'"effet rebond" de la pandémie que tous les pays redoutent. Mais le gouvernement est-il en train d'anticiper une donnée moins "pratique" : la question des troubles post-traumatiques découlant de cette période d'enfermement forcé, à la fois durable et dense ?
Comme le révèle un sondage exclusif YouGov pour Terrafemina réalisé sur 1002 personnes représentatives de la population française de plus de 18 ans du 31 mars au 01 avril 2020, 53% des Français·e·s appréhenderaient ce fameux déconfinement. Ainsi, pas moins de 19% des Français·es angoisseraient "beaucoup" à l'idée de ressortir, 33% "un peu", 23% "pas vraiment" et 20% "pas du tout". Autre donnée frappante : à la question "Diriez-vous vous sentir plus en sécurité chez vous qu'à l'extérieur ?", 83% des Français·es répondent "oui" (contre 14% "non"). Comme le montre cette étude, le danger du coranavirus a largement été intégré par la population, qui se sent aujourd'hui plus à l'abri chez soi que lors de ses rares sorties autorisées.
Et ce sondage pointe une évidence : cette période de réclusion risque de laisser des traces. 44% des Français·es pensent d'ores et déjà garder des "traumatismes" post-confinement (contre 46% qui ne l'imaginent pas). Parmi ces angoisses, 39% des personnes interrogées estiment qu'elles stresseront lorsqu'elles iront faire leurs courses, 39% lors de leurs interactions avec d'autres personnes, 36% pour emprunter les transports en commun ou encore 26% pour se promener dans la rue. Les campagnes de prévention et le martèlement des gestes barrières semblent imprimés dans l'imaginaire collectif et réapprendre à vivre collectivement sera probablement compliqué lors de la sortie de ce confinement.
Pour Hélène Romano, docteure en psychopathologie, interrogée par Terrafemina, rien d'étonnant à ces craintes. "Pour les adultes et les personnes âgées qui suivent les infos, l'actualité est extrêmement anxiogène. Et on va probablement avoir des gens qui ne vont pas du tout être motivés pour repartir travailler et qui vont avoir une peur physique qui va se développer : peur de l'autre, peur de l'environnement", explique la psychothérapeute. "Cela fait partie des troubles de la 'troisième semaine' de confinement, qui est souvent une période de bascule. Lors de cette troisième semaine, alors que les infos deviennent de plus en plus dramatiques, on va se dire : 'Moi, je ne sors plus'. Et on s'organise pour ne plus mettre le nez dehors avec des angoisses compréhensibles."
Néanmoins, 70% des Français·es estiment pouvoir reprendre "une vie normale" après cette crise sanitaire (contre 24% qui peineront à se réhabituer au cours des choses). Et 43% des interrogé·e·s n'ont pas de mal à se projeter dans la reprise de leur activité professionnelle "comme avant" (contre 23% plus pessimistes). A noter cependant que 14% des sondé·e·s souhaiteraient davantage télétravailler à l'avenir. Cette période fera-t-elle également évoluer la politique des entreprises, encore souvent frileuses en matière de travail à distance ?
Là encore, Hélène Romano explique que nos comportements sociaux risquent d'évoluer après le déconfinement, et de façon pérenne. "Le contact corporel est un point important du rapport à l'autre en France et le Covid 19, du fait des gestes barrières - comme cette distance de sécurité d'un mètre-, va bouleverser et révolutionner notre mode relationnel. La bise, le serrage de mains... Quand on retrouvera le rythme d'une vie sociale plus classique, ce ne sera pas simple. Ce sera un autre mode de communication et il faudra trouver de nouveaux repères."