Difficile d'oublier la performance iconique de Rihanna lors de la fameuse mi-temps du Super Bowl le 12 février dernier, entrecoupant la confrontation musclée entre les Eagles de Philadelphie et les Chiefs de Kansas City. Une séquence musicale très attendue qui a fait le bonheur des millions de fans devant leur télé. Sur scène, Rihanna avait également affiché son ventre arrondi, annonçant être de nouveau enceinte.
Mais si le spectacle de la mi-temps du Super Bowl de Rihanna a été la deuxième performance la plus regardée de l'Histoire de cet événement après celle de Katy Perry en 2015 (stylé), il a également engendré le dépôt... de pas moins de 103 plaintes auprès la Federal Communications Commission (FCC). Une instance qui réglemente le contenu télévisuel au niveau fédéral. Ce que l'on reproche précisément à la chanteuse ? "Etre trop sexy".
Oui oui, et ce malgré le fait que la chanteuse arborait une doudoune rouge oversize pour la première partie de son show. Mieux vaut en rire qu'en pleurer ?
On peine à comprendre pourquoi Rihanna a suscité un tel émoi. Comme le rapporte le journal Metro, un téléspectateur de l'Utah aurait carrément déclaré que le programme était "tellement indécent [qu'il a dû] éteindre la télévision à cause de ce contenu pornographique". Rien que ça ! Dans le viseur, les chorégraphies de "Riri" et de ses danseurs, considérées comme "ouvertement sexuelles et inappropriées pour les enfants", ou encore le contenu de ses paroles, jugées tout aussi indécentes. Une certaine idée du puritanisme à l'américaine.
"Où est passée la décence ?", "Qu'en est-il du respect des autres et de soi ? ", "C'est pornographique", pourrait-on encore lire au fil de ces plaintes virulentes. N'en jetez plus. Or, non seulement ces réactions sont ouvertement sexistes, puisqu'elles sexualisent le moindre geste provenant de l'artiste, et ne voient elle qu'une chanteuse vulgaire (un argument bien connu du puritanisme), mais elles sont également profondément racistes.
Effectivement, cette abondance impressionnante de plaintes renvoie à un événement historique : le scandale suscité en 2004, lorsque Justin Timberlake a exposé le mamelon de Janet Jackson dans le cadre du même Super Bowl. Un bad buzz plus connu sous le nom de "Nipple Gate" et qui a détruit la carrière de la chanteuse.
"Vingt ans plus tard, il semble qu'il n'y ait pas assez de couches de vêtements disponibles pour sauver le corps de Rihanna de critiques similaires. Et si c'était les vêtements de Rihanna et sa danse, qui honorent ses racines afro-caribéennes, qui avaient offensé les téléspectateurs ? L'hypersexualisation historique des femmes noires et de leur corps pourrait y être pour quelque chose. Ce n'est pas nouveau", déplore le média On Site.
Cette manière de considérer les traditions invoquées par Rihanna comme un spectacle "obscène" serait une démonstration d'ignorance à ce sujet. Et une forme de discrimination. "Depuis la traite des esclaves, les femmes noires et leurs corps ont toujours été fétichisés et sexualisés dans le contexte des normes du corps blanc et de la 'décence' de l'ère coloniale", fustige le média, qui voit en ces plaintes la conséquence "de stéréotypes déshumanisants et racistes, dont beaucoup persistent dans les médias et dans la vie réelle à ce jour".
Un racisme systématique que met d'autant plus en lumière cette réception médiatique déplorable.