Les propos du chroniqueur sont hallucinants. Et pourtant, c'est bien en 2022 et en direct qu'ils ont été tenus. Interrogé sur l'interdiction du topless dans les stades par Estelle Denis sur RMC ce vendredi 10 juin, Périco Légasse, journaliste à Marianne, a ainsi démarré avec une "blague" qui laisse à désirer. "Moi je voudrais que le sein ait la forme du ballon, ballon rond ou ovale (...) ça stimulerait le sport". La présentatrice, visiblement agacée, a coupé court : "Et sinon, votre vrai avis ?".
Si le ton est devenu plus sérieux, les mots lâchés par le chroniqueur, eux, en sont restés tout aussi sexistes et sexualisants.
"Mon vrai avis est que le sport est une activité sociale où on ne doit pas créer de tensions ou heurter les autres. Il y a suffisamment de problèmes comme ça. Le sein nu, c'est la divulgation d'une intimité féminine qui peut avoir une connotation sexuelle. A ce titre-là, c'est dommage, je trouverais ça vraiment génial, mais je suis contre." Et Estelle Denis de recentrer le débat, rappelant que la revendication de certaines femmes est de dire que les hommes y ont le droit, alors pourquoi pas elles.
Périco Légasse poursuit, expliquant que "si on était sûr de l'esthétique" de la "paire de seins", les choses seraient différentes. "Mais on s'en fout de l'esthétique ! Vous croyez que le supporter homme qui se met torse nu, il en a quelque chose à faire de l'esthétique ?", lance Estelle Denis, "atterrée".
Imperturbable, Légasse développe que "pour ne pas créer de discriminations par rapport aux gants de toilettes", mais aussi "pour la pudeur", "pour une forme de laïcité", et "pour respecter l'égalité", il est contre les seins nus au stade. Et affirme que chez les hommes le problème n'est pas le même, puisque leurs corps sont pareils.
L'intervention de celui qui se décrit comme "le seul féministe ici" a déclenché l'indignation légitime des deux femmes présentes sur le plateau, mais aussi de militantes féministes sur les réseaux sociaux. Rose Lamy, créatrice de l'indispensable compte Instagram Préparez-vous pour la bagarre, épingle justement ce qu'il y a de problématique dans la séquence.
"Donc les hommes ont tous la même morphologie 'ils n'ont pas de corps' comme dirait Virginie Despentes", entame-t-elle sur Instagram. "Ils sont le neutre universel. Les femmes elles sont des corps à classer, évaluer en fonction de critères de beauté. Les beaux seins et les 'gants de toilette'".
Elle poursuit, analysant plus encore les propos du journaliste : "Pour les protéger d'elles-mêmes et de cette rude compétition entre elles dont ils sont les arbitres, des hommes se présentant féministes comme Perico Legasse - comprenez que je me méfie des hommes qui se présentent féministe avec le temps - organisent un système où c'est eux qui décident de ce qui peut être montré ou non en fonction de leurs bon plaisir".
Quant à la notion de "laïcité" qu'il convoque, "dans ce contexte qui n'a rien à voir", Rose Lamy la dissèque comme "un bel aveu du fait que ce qui compte, c'est d'avoir le pouvoir de couvrir ou découvrir le corps des femmes. Toutes les femmes." A bon entendeur.