Le premier truc qui nous vient à l'esprit quand on pense "chambre spéciale sexe", c'est la play room de Christian Grey. Adepte ou non du roman le plus naze (on a choisi notre camp) mais parfois excitant de ce début de siècle, 50 Shades of Grey avait cependant raison sur un point : pour vivre heureux (au lit), vivons caché·es. Le cul serait donc plus orgasmique et sain si on le réserve à une sorte de cagibi aménagé au fond du couloir. Ou quelques étages plus bas. De quoi nous donner une bonne raison de relancer nos alertes sur SeLoger pour trouver plus grand, nous qui, naïvement, pensions jusque-là que notre chambre à coucher était tout à fait appropriée.
"La chambre devient aussi l'endroit où vous chargez votre téléphone portable, où vous avez votre panier à linge, où vos enfants viennent peut-être et veulent partager votre lit à différentes heures de la nuit", argumente Lucy Beresford, autrice de Happy Relationships, au Guardian. Et à force, on perd la notion érotique de l'endroit, dépossédé de son sex-appeal par un berceau en bois au mobile forcément enfantin et un tas de draps propres sur la commode.
D'après l'experte, on est moins enclin·es à se foutre à poil pour prendre son pied entouré·es d'objets qui nous rappellent un quotidien pas si glamour. Pour les parents, le risque que leur descendance se pointe pendant les préliminaires donne, à juste titre, moins envie de se lancer dans un 69 improvisé. Certes.
Le but de la "chambre spéciale sexe", c'est justement de pouvoir s'adonner à ses fantasmes sans se confronter si brutalement à la réalité. C'est vrai qu'à force de trouver les jouets du chien en se glissant sous la couette pour s'encanailler, l'envie a tendance à se faire la malle. En misant sur un nid plus douillet dans lequel on se retrouverait en sachant pertinemment ce qui nous attend, on en trépigne aussi d'impatience.
"Vous pouvez prétendre être dans un hôtel, vous pouvez le transformer en ce que vous voulez qu'il soit", précise Lucy Beresford. "C'est un endroit où vous vous rendez volontairement, ce qui crée ce sentiment d'anticipation. Ce peut être aussi la pièce que tout le monde sait être votre espace sexuel".
La libido reprend de la vigueur en même temps qu'on retrouve un comportement d'ado excité.e. Seule différence avec nos premiers ébats : au-delà d'être plus aguerri·es, on devrait donc aussi faire savoir à l'entourage que la pièce est exclusive à notre plaisir commun ? "Dans un monde idéal, ce ne devrait pas être un sujet tabou", poursuit-elle. "Il ne s'agit pas de donner des détails, mais de reconnaître que vous prenez cette partie de votre vie au sérieux et que vous lui accordez l'attention qu'elle mérite". Dit comme ça, ça a du sens. Quoiqu'on ne se voit pas préciser sa fonction quand on fait visiter la maison aux beau-parents non plus. Note à soi-même : ranger le gode-ceinture, au cas où.
Alors bien sûr, tout le monde - et surtout pas nous - n'a pas le luxe de pouvoir dédier une de ses chambres à la jouissance. Généralement, chaque mètre carré de notre habitation possède déjà une fonction bien établie, qu'il s'agisse d'accueillir un voire plusieurs membres de notre famille ou un tas de cartons informes autour d'un bureau approximatif. Virer tout ça pour s'envoyer en l'air semble complètement hors de propos.
Heureusement, on n'a pas besoin de tout retourner non plus. On peut très bien voir les choses en plus petit, assure l'érudite au média britannique : "Si vous voulez garder la chambre à coucher comme un lieu érotique, désencombrez-la, faites-en un espace qui vous semble plus adulte. Si vous avez des enfants, ayez pour politique de ne pas entrer sans frapper". Elle conseille d'investir dans la déco : "Changer un objet peut suffire. Des bougies, une photo qui titille ou des sextoys sur le lit - tout ce qui rappelle à un couple que c'est un endroit sexuel, avant de glisser vos affaires dans un tiroir jusqu'à la prochaine fois."
Pas d'excuse qui tienne donc, Versailles ou pas, on a tous·tes la possibilité de faire de la place pour notre sexualité chez soi. Il faut juste un peu de volonté, quelques règles, et une table de chevet avec une certaine capacité de rangement.