C'est une réflexion qu'on entend souvent. Une critique glissée sur un ton peu bienveillant ou carrément péjoratif à l'adresse d'une femme qui a l'audace, le malheur, l'insolence de porter une minijupe, un pantalon de cuir, un jean effilé, un top un peu transparent, une ribambelle de couleurs vibrantes passé 40 ans.
"Ce n'est vraiment pas de son âge", commentent volontiers quelques détracteur·ice·s (de Brigitte Macron, au choix) du coin de la bouche, allant jusqu'à ajouter à qui veut l'entendre des remarques acerbes sur la plastique de l'intéressée.
Les femmes ne sont d'ailleurs pas les dernières à se laisser aller à ces dépréciations, trahissant au mieux une jalousie mal placée, au pire un sexisme intériorisé. Ce qui revient quasi au même, qu'on se le dise, puisqu'en entretenant une compétition malsaine entre femmes, en rabaissant ouvertement sa prochaine, on endosse plus ou moins consciemment le rôle pernicieux d'agent double du patriarcat.
La phrase gagnerait d'ailleurs à être décortiquée. Et cette question à être posée : que signifie "de son âge", en vérité ? Qui décide qu'une tenue ou un simple vêtement est en adéquation ou non avec les années que l'on a accumulées ? Sur quelles règles, quelles lois, quel mode d'emploi du style se base-t-on pour décréter qu'une femme ferait mieux d'aller se rhabiller ?
A en croire les sondages sur le sujet en tout cas, celles qui les entendent le plus fréquemment, ces mots péjoratifs, ne sont pas celles qu'on croit. 23 ans serait ainsi l'âge auquel les Britanniques y seraient le plus confrontées, par exemple.
Shakaila Forbes-Bell, psychologue de la mode, analyse auprès de The Independent : "Même dès le plus jeune âge, l'apparence a toujours eu des conséquences sociales majeures pour les femmes, qui ressentent à leur tour des pressions sociales non seulement pour s'habiller 'de leur âge' mais aussi pour s'habiller d'une manière conforme aux normes contemporaines - normes atténuées par le patriarcat."
Et quand on compare au genre masculin, le bilan est tristement classique : rien de similaire à déclarer. "Des études ont montré qu'en vieillissant, les hommes ne sont pas confrontés à la même [problématique vestimentaire] que les femmes et n'ont jamais l'impression qu'un vêtement est 'trop jeune' pour eux. Ces résultats soulignent encore davantage la pression intense que les femmes - et les femmes seulement - ressentent pour prendre certaines décisions en matière de style."
Une idée - qu'elle est brillante ! - nous vient alors en tête : à défaut de contrôler l'esprit de ceux qui s'accrochent avec ferveur aux carcans sexistes, et si, nous, en tant que premières concernées, on arrêtait de s'y adonner par conformisme ou envie ?
Répétez après nous : la tenue d'une femme ne détermine pas sa valeur ni son sérieux, et son âge ne devrait pas réduire, non plus, ses possibilités de tenues. Au fond, qu'est-ce qui gêne tant que ça celles et ceux qui croisent notre chemin quand, à 24, 30 ou 70 ans, on arbore une robe mi-cuisses qu'on adore ou qu'on s'essaie à une nouvelle tendance ?
Qu'est-ce qui dérange si ce n'est, à cause de l'habitude sournoise que d'aucuns ont d'accorder une importance démesurée à l'apparence d'une femme, le fait qu'elle ne rentre pas dans le moule ? Qu'elle exprime une liberté qui renvoie les cerveaux étriqués à leurs propres limites ?
On ne compte plus les célébrités qui ne se laissent pas enfermer, et pavent la voie d'un épanouissement vestimentaire nécessaire, accessible par la suite au commun des mortelles (nous) : Jennifer Lopez, Madonna, Dr Jill Biden, Sarah Jessica Parker... Ou encore, la TikTokeuse Lonni Pike, qui envoie valser les réacs à grands coups de salopette en jean, d'imprimé léopard et de Dr Martens du haut de ses 56 ans. Alors, pourquoi ne pas leur emboîter le pas, si ça nous tente ? Et jurer qu'on ne nous y reprendra plus à décrier une semblable qui enfilerait, parce qu'elle en a le droit, boots à crampons et combi moulante ?
L'âge n'est rien d'autre qu'un nombre, après tout. Et surtout, ne devrait jamais incarner la piètre excuse par laquelle exprimer une misogynie crasse. Car on le rappelle : les fringues que choisissent les femmes dans la rue, aussi loin de vos goûts soient-elles, ne sont pas les vôtres. Personne ne vous force à les porter, ni à les aimer, et encore moins à les juger.
Ce qui nous amène, en guise de conclusion, à réitérer ce qu'on énonçait en introduction. Une bonne fois pour toutes, quand il s'agit de notre physique, de notre style, et plus généralement, des choix qui concernent notre corps et lui seul : foutez-nous la paix.