Les femmes sont constamment jugées sur leur apparence, réduites à leur silhouette, critiquées sur des choix vestimentaires qui ne révèlent en rien la qualité de ce qu'elles ont à dire. Rien de nouveau sous le soleil. Et rien qui ne nous révolte pas depuis des décennies déjà. Seulement, avec les réseaux sociaux et la présence de plus en plus ancrée, médiatisée et importante de celles-ci en politique, ces commentaires dégradants - et sexistes - sont autant d'armes utilisées par l'opposition pour discréditer leurs actions.
La députée Alexandria Ocasio-Cortez en a par exemple fait les frais quand, en novembre dernier, elle a posé en couverture du magazine américain Vanity Fair dans un costume à 14 000 dollars. Pour les Républicain·e·s, qui ne manquent jamais une occasion de la descendre ni de se taire, ce shooting photo dans des fringues de luxe contredisait son engagement démocrate et social. A rappeler que ladite tenue était prêtée par Louis Vuitton, et non donnée ni achetée, et que la note de coiffeur annuelle de Donald Trump, qui s'élevait à 70 000 $, n'avait pas l'air d'autant les déranger. Classique et dramatique.
Malheureusement, ce procédé d'intimidation n'a pas de frontières : en France aussi, on y est fréquemment confronté·e·s. L'une des cibles favorites de nos réacs à nous ? La Première dame Brigitte Macron. Et précisément, en 2017, la longueur de sa jupe qui avait sorti de leurs gonds toute une tripotée de boomers coincés. Une jupe et des collants, c'est justement ce qui titille encore une fois Twitter et ses utilisateurs de droite outre-Atlantique.
Ou plus précisément, celle qui a eu l'audace de les porter : Dre Jill Biden.
Jeudi 1er avril, la Première dame a atterri sur la base de l'Air Force dans le Maryland, de retour d'une visite officielle en Californie. Elle était vêtue de noir : blazer, robe avec ourlet en cuir, bottines à talons et collants résille en dentelle. Les désormais célèbres "fishnet tights", qui ont déclenché un flot de messages haineux quelques jours plus tard. Florilège.
Certains utilisateurs les ont qualifiés de "trash" , et la First Lady d'"embarrassante" pour s'être affichée en public avec. Le podcasteur conservateur Wayne Dupree - et balanceur de fake news à ses heures perdues - les a décrits comme "effrayants", les comparant aux tenues de Madonna dans les années 80 : "Madonna a appelé et veut retrouver son look trash, Doc." Des réactions qui, au-delà d'être terriblement sexistes, surfent aussi sur un âgisme répugnant, certaines allant jusqu'à affirmer que les bas étaient inappropriés pour ses quasi 70 ans.
Rapidement, la défense a pris le relais, insistant sur quelques vérités qu'il s'agirait de marteler : "Elle est magnifique", écrit une jeune femme. "J'aimerais lui ressembler à 69 ans, elle est incroyable". Une deuxième reprend, à juste titre, les internautes qui se permettent quelques familiarités (le "Doc" de Wayne pour ne citer que lui) : "C'est Dre FLOTUS (First Lady of the United States, ndlr) Jill Biden pour vous, et elle peut porter ce qu'elle veut."
La correspondante de la Maison-Blanche April Ryan, elle, s'amuse à imaginer un titre d'article. "Cuir et dentelle : Dre Biden a déclaré qu'elle avait beau être institutrice, le style de la FLOTUS n'a rien de sage ni de BCBG". Et de rajouter : "Je ne suis pas mécontente de son look sexy sophistiqué."
Une autre, excédée par l'ampleur de la polémique, a ironisé : "Les collants résille de Jill Biden, le tailleur bronzé de Barack Obama, la robe sans manches de Michelle Obama (en référence aux critiques que la famille Obama avait elle aussi essuyées, ndlr). Oui, ce sont-là les plus grands scandales de la politique américaine".
Et on ne peut qu'adhérer à ses propos : en pleine pandémie comme par tous les temps, le sujet le plus discuté d'un pays ne devrait jamais être l'apparence de sa première dame.