Make women great again! Ce n'est pas le nouveau slogan de campagne de Donald Trump, non, mais le mot d'ordre d'un séminaire de trois jours intitulé "la 22 Convention". Cet événement (très) sérieux se tiendra en mai prochain à Orlando et le but de ses instigateurs est clair : apprendre aux femmes à être "plus féminines". Oui, c'est possible, et cela a un le prix : la conférence coûte pas moins de 2 000 dollars. Normal, pour ce rendez-vous qui se proclame déjà comme "l'événement définitif pour les femmes".
Mais comment "rendre aux femmes leur grandeur" au juste ? Facile : en leur apprenant à perdre leurs kilos en trop, trouver un mari, s'occuper de leurs enfants, avoir "autant de bébés que leur coeur le désire" (sic) et, surtout, rejeter le "dogme féministe de l'intimidation toxique", comme l'évoque ce reportage effarant du New York Post. Quelques mecs qui désirent expliquer aux femmes comment "être femme" ? On tient là le plus bel exemple de mansplaining - cette propension qu'ont les hommes à vouloir "instruire" la gent féminine quant à des sujets qui lui sont déjà familiers. Et ça fait peur.
A l'ère #MeToo, le féminisme serait donc l'ennemi du féminin, si l'on en croit les instigateurs de la 22 Convention, pour qui le militantisme incite les femmes à "aller à l'encontre de leur nature biologique". Ben voyons. En gros, à force de balancer leurs porcs, les femmes risquent de "ressembler davantage aux hommes", déplore le site officiel de ce séminaire louant les vertus du patriarcat. Difficile de mieux définir ce qu'est un boys club : un congrès d'hommes blancs réunis pour s'assurer de la perduration de la domination masculine. D'ailleurs, son fondateur Anthony Johnson se définit carrément comme le premier président de la "Manosphère".
Evidemment, ce que traduit ce "Make Women Great Again", ce n'est pas l'amour des femmes, mais la peur considérable de leur pouvoir. Au sein de cette convention bien virile, on diffuse des diapos pour confronter le taux de divorces de ces dernières années à l'avancée des droits des femmes, on conspue allègrement les minorités et on cherche à grands coups de mini-conférences virulentes à "détruire l'establishment féministe", comme le détaille non sans inquiétude The Independent. En seulement trois jours, donc. Belle efficacité.
Mais l'on peine à en rire, puisque c'est un certain cauchemar américain qu'illustre ce séminaire : le succès de la pensée masculiniste au sein d'une nation où les saillies sexistes du président ne font qu'alimenter la flamme. D'ailleurs, les médias outre-Atlantique comparent cet événement au mouvement des "Incels", ces "célibataires involontaires" qui sur le web vomissent leur haine des femmes, coupables présumées de leur frustration sexuelle.
Pour l'avocate Kate Kelly, membre de l'organisation Equality Now (qui défend les droits des femmes et leur visibilité à travers le monde), cette conférence à l'anti-féminisme décomplexé "rend l'inacceptable acceptable". "Ce n'est pas une célébration, c'est un dénigrement : vous ne pouvez pas être pro-femmes et anti-féministe !", affirme-t-elle à The Independent.
Et les internautes de s'indigner à l'unisson. Sur Twitter, l'autrice et conférencière Emilie Aries voit en cet événement "une absurdité terrifiante". "C'est une conférence ahurissante pour les femmes mais par les hommes, et par laquelle ces derniers essaient de nous renvoyer dans les années 1800. Et encore, à l'époque, nous avions certainement déjà trop de droits !", ironise encore une internaute. Sans surprise, une pétition circule déjà pour faire annuler l'event.
Bref, comme le décoche le New York Post, cette "22 Convention" moribonde est l'équivalent d'une casquette "Make America Great Again", mais "pour l'utérus". On a déjà connu note d'intention plus stimulante.