Après Paye ta police, Paye ta Shneck, Paye ta blouse, Paye ta robe dans le secteur des avocats ou Chair Collaboratrice pour dénoncer le sexisme à l'Assemblée, s'est ouvert fin décembre un site pour dénoncer le sexisme dans le monde de la musique.
Celle qui se fait appeler Agathe, 35 ans et musicienne depuis quinze ans à Lyon, a ouvert le blog Paye ta note pour compiler les petites phrases sexistes entendues dans le monde de la musique classique.
On peut par exemple lire cette phrase prononcée par un collègue à propos d'un concours d'orchestre : "Vas-y présente-toi à ce concours, de toutes manières maintenant qu'il y a des quotas, n'importe quelle fille peut s'taper l'incruste".
Autre citation de ce musicien à une compositrice : "Bravo, ça ne sonnait pas du tout féminin !". Ou ce professeur de saxophone s'adressant à une élève : "L'anatomie de la femme est faite pour faire des enfants, c'est pour ça que tes poumons ne sont pas comme ceux des hommes, et c'est pour cela que tu ne pourras jamais jouer comme un homme".
On lit également cette remarque lâchée à une femme par un professeur de cor devant une assemblée presque essentiellement composée d'hommes : "Et toi, tu avales ?".
Mais en plus des remarques sexistes, Paye ta note reçoit également des témoignages de femmes harcelées ou agressées. Comme celle d'une femme agressée par un directeur de salle alors qu'elle était venue pour discuter projets musicaux : "Ben quoi, c'est pas pour ça que tu es venue ?"
Paye ta note explique sur sa page Facebook : "Devant le caractère assez alarmant de certains témoignages, je prépare pour vous une page [...] rappelant ce qu'est le harcèlement sexuel et donnant les contacts des organismes qui pourront vous encadrer et vous protéger."
Pour un prise de conscience collective, Paye ta note s'adresse à tout les institutionnels du monde de la musique comme l'orchestre philharmonique de Radio France, l'Orchestre National de Jazz, la Philharmonie de Paris ou le Conservatoire de Paris, qu'elle interpelle directement.
Elle veut donner la parole à toutes les actrices du milieu : "Paye ta note s'adresse non seulement aux musiciennes instrumentistes et chanteuses mais aussi aux chargées de production, tourneuses, programmatrices... en somme toutes les actrices du monde de la musique."
Dans la musique classique, le sexisme saute aux yeux si on regarde les chiffres.
En France, alors que 55 % des personnes intégrées au conservatoire sont des femmes, ce chiffre ne se retrouve absolument pas dans les postes de direction, dans les financements ou même dans les programmations.
Ainsi, selon un rapport publié en 2018 par le Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes, seulement 6 % des chef·fes d'orchestre programmé·es était des femmes. Aussi, sur 13 compagnies, orchestres ou ensembles aidé·es par la Caisse des dépôts en 2017, aucune n'était dirigé·es par des femmes.
En ce qui concerne la direction des maisons d'opéra subventionnées par le Ministère de la Culture, entre les années 2012 et 2016, seulement 11 % étaient des directrices.
Aussi, toujours selon le rapport du HCE, dans les festivals de musique classique : "34 % des artistes programmé.es en leur nom propre sont des femmes et 22 % des formations programmées (hors orchestres et choeurs) sont composées majoritairement ou exclusivement de femmes."
Le chemin est encore long, alors que tout le monde est capable de citer un musicien ou compositeur célèbre, qui est capable de citer une musicienne ou compositrice ? Pas grand monde.