Les merveilleux doubles standards que nous offre au quotidien le patriarcat ont de beaux jours devant eux. Cette fois-ci, c'est autour de la consommation d'alcool qu'on a trouvé notre pépite de sexisme.
Car selon une nouvelle étude menée par un groupe de chercheur·ses de l'Institut polytechnique de Worcester, de l'Université du Nebraska et de l'Université d'Etat de l'Iowa, intitulée "She Looks Like She'd Be an Animal in Bed: Dehumanization of Drinking Women in Social Contexts" (ça promet), une femme qui boit serait "sexuellement disponible", "moins humaine" et susciterait moins d'empathie en cas de comportement risqué.
Traduction : si elle est bourrée et semble avoir besoin d'aide, on la laisserait plus volontiers se démerder toute seule qu'une femme sobre. "Normal, elle l'a bien mérité", s'exclameraient certainement en coeur les 25 hommes blancs qui ont voté la loi anti-avortement en Alabama le 14 mai, avant de s'auto-congratuler d'avoir une fois de plus respecté la parole de dieu en remettant les femmes à leur place. Dégoût.
Afin d'aboutir à cette conclusion que le mot "honteux" peine à qualifier tant elle dépasse l'entendement, les scientifiques ont proposé à plusieurs sujets de regarder différents clichés, et de les commenter. Sur ces photos, une femme avec une bouteille d'eau, une femme avec une bière. Un homme avec une bouteille d'eau, un homme avec une bière.
Résultat : les hommes et les femmes questionné·es ont davantage tendance à décrire la photo de la figurante qui boit comme célibataire et privilégiant les relations sexuelles occasionnelles, contrairement à celle qui reste à l'eau. Elle serait aussi plus superficielle, plus froide, plus immorale, moins intelligente, moins sophistiquée et moins rationnelle que son homologue masculin, lorsque celui-ci est aussi doté d'une bière à la main.
"C'est particulièrement choquant", affirme Mme Skorinko, l'une des autrices de l'étude, "parce que le simple fait de tenir une bouteille de bière augmente la perception d'intoxication et de disponibilité sexuelle chez les femmes, mais pas chez les hommes."
Ça sonne un peu comme une chanson de Michael Youn, alias Fatal Bazooka à l'époque, dont de nouvelles paroles inspirées du sondage pourraient facilement coller à la suite du texte : "Un mec qui boit c'est un bon vivant, une fille qui boit, c'est une p**e". Et quand on en est à citer Fatal Bazooka pour étayer son propos, c'est que l'heure est grave.
On ne va pas jouer aux naïves, on sait très bien que les inégalités sont ancrées dans n'importe quel domaine. Mais ce qui est d'autant plus révoltant, c'est la facilité avec laquelle on définit une femme qui boit comme "immorale" ou "moins intelligente". C'est aussi de voir à quel point la culture du viol est implantée profondément dans notre société.
Car en admettant naturellement qu'une femme qui boit est "sexuellement disponible", on discrédite sa réputation et son choix, on joue même sur son consentement. Comme le rappelle d'ailleurs le New York Times, l'an dernier, un élève de l'université de Yale, Saifullah Khan, a été déclaré non coupable d'agression sexuelle contre une autre élève. Ses avocats avait travaillé sans relâche pour discréditer le récit de la femme, lui demandant à plusieurs reprises à quel point elle avait bu. CQFD.