A l'affiche du film Les Amandiers, réalisé par Valeria Bruni-Tedeschi, sorti en salles le 16 novembre, Sofiane Bennacer a été mis en examen pour viols et violences sur plusieurs ex-compagnes par une juge d'instruction de Mulhouse en octobre dernier, a révélé Le Parisien.
L'acteur de 25 ans a été placé sous contrôle judiciaire, après que le parquet ait initialement requis son placement en détention provisoire, pour des faits qui auraient eu lieu entre 2018 et 2019 à Mulhouse, Strasbourg et Paris. Le comédien fait l'objet de deux mises en examen pour des faits de viols sur deux ex-compagnes et d'une troisième mise en examen pour violences sur conjoint, ainsi que d'une quatrième plainte déposée par une autre ex-compagne dénonçant des faits de viol.
Mais il y aurait davantage de victimes. Dans une longue enquête publiée ce 24 novembre, Libération a recueilli les témoignages de trois jeunes femmes, dont deux qui n'ont pas porté plainte.
"Il connaît du monde dans le milieu, il disait toujours 'si je veux détruire quelqu'un je le fais direct'". Romane (tous les prénoms des accusatrices ont été modifiés) a hésité à porter plainte par peur des représailles, comme elle l'explique au quotidien. Elle avait rencontré l'acteur à l'été 2018 à Mulhouse où ils suivaient une formation au théâtre de la Filature, une classe préparatoire aux concours des écoles de d'art dramatique. C'est là qu'ils avaient entamé une relation.
Très vite, le jeune homme serait devenu violent, selon Romane, mais ce qui l'a décidée à porter plainte, le 5 février 2021, c'est de savoir qu'elle n'était "pas seule". En contactant d'autres ex-compagnes de l'acteur, elle s'est aperçue qu'elles partageaient des histoires similaires.
Anaïs était étudiante en arts à Mulhouse en 2019, lorsqu'elle a rencontré Sofiane Bennacer. Si elle a accepté de témoigner auprès de Libé, c'est elle aussi avec l'espoir qu'il "ne puisse pas recommencer". La jeune femme raconte une soirée chez l'acteur, avec qui elle venait de boire un verre. Par peur de rentrer seule chez elle à pied en pleine nuit, elle avait accepté d'aller chez le jeune homme, qui avait "insisté". Anaïs rapporte qu'une fois chez lui, Sofiane Bennacer aurait commencé "à la toucher et l'embrasser" et l'aurait "pénétrée avec sa main". "Je disais non, j'enlevais sa main, il souriait et la remettait", décrit Anaïs. "C'est du viol. A partir du moment où j'ai clairement exprimé le non et qu'il le faisait quand même, c'était comme si je ne pouvais rien faire", confie-t-elle.
Anaïs raconte également que Sofiane Bennacer l'aurait pénétrée sans préservatif et sans son consentement. Anaïs n'a jamais revu l'acteur et a plongé dans une "profonde dépression". Contactée par un gendarme dans le cadre de l'enquête ouverte après la plainte de Romane, elle a décidé de ne pas porter plainte, par crainte que sa famille n'apprenne ce qui lui était arrivé. "C'est la première fois que je raconte tout à quelqu'un", confie-t-elle à Libération.
De son côté, Mathilde était une étudiante en art de 24 ans lorsqu'elle a entamé une histoire avec Sofiane Bennacer à Paris, à l'été 2019. Elle décrit elle aussi des violences sexuelles. "Sur le fait de vouloir ou pas vouloir, sur le fait de se protéger ou non, sur comment ça doit être fait, on n'a pas le choix. Si je disais non, soit il l'ordonnait physiquement soit il jouait sur la culpabilisation", se souvient-elle. "Plusieurs fois, il m'a étranglée ou a été violent avec moi", ajoute Mathilde.
Elle non plus n'a pas porté plainte, mais a témoigné dans le cadre de l'enquête menée par les gendarmes de la section de recherche de Strasbourg. En s'exprimant, Mathilde souhaite dénoncer un "système" et la "protection" dont Sofiane Bennacer aurait bénéficié en travaillant sur le tournage du film Les Amandiers.
Dans un autre article deLibération, de nombreux membres de l'équipe du film se joignent à elle et accusent ainsi la production et la réalisatrice Valeria Bruni-Tedeschi d'avoir effectivement "protégé" Sofiane Bennacer alors même qu'elles auraient été au courant des différentes accusations qui pesaient sur lui. "Elle [Valeria Bruni-Tedeschi] nous a dit qu'il ne fallait pas que Sofiane sente que l'équipe était au courant ou que ça change nos comportements", témoigne une jeune femme ayant travaillé sur le film, qui ajoute : "C'était une bonne claque dans la gueule de voir comment les choses se passent dans ce milieu-là".
La soeur de la réalisatrice, Carla Bruni, a posté un texte incendiaire ce 25 novembre sur Instagram : "L'un des fondements de notre démocratie est la présomption d'innocence. Sans la présomption d'innocence, toute justice est aléatoire, discutable, possiblement corrompue (...) Condamner à la une d'un journal, de nos jours, c'est condamner tout court. (...) Je suis solidaire de toutes les femmes par principe, solidaire engagée et acharnée pour défendre toute victime et son combat, il y a eu tant d'abus, il y a tant eu tant d'impunité depuis tant de temps et les bourreaux ont si rarement été punis. Mais la féministe que je suis depuis toujours, veut dire aujourd'hui que l'on ne soulage pas la douleur des victimes en en créant des nouvelles victimes de manière sauvage et aléatoire et tout aussi injustement", avant de lourdement charger Libération.
Valeria Bruni-Tedeschi a elle aussi fini par se fendre d'un communiqué, dénonçant un "lynchage médiatique ce 25 novembre
L'Académie des César, qui avait sélectionné Sofiane Bennacer parmi les pré-nommés des Révélations masculines, a indiqué dans un communiqué de presse avoir retiré l'acteur de sa liste le 23 novembre suite aux révélations du Parisien indiquant que l'acteur était mis en examen.
Celui-ci "conteste tout" et a porté plainte en octobre dernier pour diffamation contre ses accusatrices.