La question des violences conjugales en soulève toujours d'autres, indissociables : celle de l'emprise, des violences psychologiques... Et parmi ses finalités, celle du suicide forcé. Chaque année, des centaines de femmes se donnent la mort, suite aux violences physiques et morales que leurs conjoints leur ont fait subir.
En 2018 par exemple, c'était le cas de pas moins de 217 femmes en France, victimes d'un harcèlement systémique. Un an plus tard, le Grenelle des violences conjugales initié par Marlène Schiappa insistait pour que le harcèlement moral soit reconnu comme "circonstance aggravante". Le suicide forcé a finalement été inscrit dans la loi en août 2020, condamnant jusqu'à dix ans de prison et et à 150 000 € d'amende toute personne qui harcèle son conjoint et provoque son suicide, ou sa tentative de suicide. Il s'agit là de l'article 222-33-2-1 du Code pénal.
Et pourtant, il reste encore pour à faire afin de sensibiliser l'opinion à ce sujet trop méconnu. "Je pense qu'on a vraiment un travail de sensibilisation à faire, ce n'est pas possible de continuer comme ça, d'invisibiliser cette souffrance", déplore auprès de Franceinfo Delphine Colin, militante féministe au sein du collectif #NousToutes.
Cette récente criminalisation a porté ses fruits. Ainsi en 2021 et pour la première fois, une plainte avait été déposée pour le "suicide forcé" d'une femme. Et imposait donc le harcèlement moral comme "une circonstance qui a des incidences concrètes, et permet d'avoir des investigations sérieuses, poussées".
La France est le premier pays d'Europe à reconnaître la circonstance aggravante du harcèlement moral.
Comme le précise à Libé la psychiatre Marie-France Hirigoyen, autrice de Femmes sous emprise. Les ressorts de la violence dans le couple, "les auteurs de violence menant au suicide forcé sont souvent des hommes, qui aimeraient être dominants mais se sentent impuissants. Et quand ils ne sont pas bien, vont décharger sur l'autre leurs tensions intérieures. Dans le cas du suicide forcé, c'est 'T'es tellement moche, t'es tellement bête que tu ferais mieux de te foutre en l'air'. Ces femmes n'en peuvent plus et finissent par avoir envie de se tuer."
Malgré cette entrée dans la loi, le suicide forcé reste encore une sorte d'impensé au sein du sujet des violences conjugales. Et également un enjeu épineux pour celles qui luttent. "La question du suicide forcé, c'est une question qu'on se pose beaucoup. Comment est-ce qu'on compte ce type de féminicide ? C'est extrêmement compliqué et à l'avenir, on espère aller vers une meilleure définition, une meilleure prise en compte de ça", développe Diane Richard, une des coordinatrices de #NousToutes.
"Quand il y a des violences physiques, il y a forcément des violences psychologiques. Les dégâts occasionnés par la violence psychologique sont aussi graves qu'en cas de violences physiques", affirmait déjà il y a trois ans de cela Yael Mellul, coordinatrice juridique du Pôle d'Aide aux victimes de violences Centre Monceau.
Une réalité qui doit être entendue.
- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit 7 jours sur 7, de 9h à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h les samedi, dimanche et jours fériés. - En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.