"Vous connaissez l'identité du mis en cause ?", interroge une policière. "C'est mon ex-conjoint." Marina (Caroline Anglade) a enfin décidé de porter plainte contre son ex-compagnon (Clovis Cornillac) pour viol. "Il me forçait. A la fin, je ne disais plus rien pour que ça aille plus vite", développe-t-elle, consciente que son témoignage sera mis à mal face à celui qui a partagé sa vie pendant des années.
Car ces violences sexuelles ont eu lieu dans l'intimité du couple et ce lien crée une certaine présomption de consentement. Chantage affectif, culpabilisation, pression du fameux "devoir conjugal"... Le viol conjugal reste un tabou que la fiction de France 2, Après le silence, a décidé d'explorer. A travers le combat de Marina pour sa reconstruction, le téléfilm décortique les mécanismes de l'emprise et la difficulté des victimes à reconnaître les violences subies.
Nous avons discuté avec la comédienne Caroline Anglade de ce rôle engagé.
Caroline Anglade : Oui, car c'est un sujet tellement important et d'actualité. On a envie d'aider les personnes concernées à prendre la parole et d'être au plus près de ce qu'elles peuvent ressentir. Parce qu'il s'agit de nos amies, de nos soeurs, de nos mères. Mais j'avais lu le scénario très impactant et je savais que le réalisateur Jérôme Cornuau allait traiter ce sujet délicat avec beaucoup de pudeur et de sensibilité.
C.A. : J'ai beaucoup lu sur le sujet et regardé énormément de documentaires. J'y ai vu des femmes dans une forme de déni, de colère ou de résilience... Quelque chose est ancré dans leur chair, dans leur corps. Je ne voulais pas faire du personnage de Marina une "héroïne". C'est une femme qui est victime de violence, une combattante qui cherche de la force pour s'en sortir.
C.A. : Pas spécifiquement pour ce rôle, mais malheureusement, j'en ai dans mon entourage. Le viol conjugal touche tellement de femmes... Et parfois, elles ne se rendent même pas compte de sa gravité à cause de ce fameux et terrible "devoir conjugal". C'est une violence très dure à détecter, d'autant plus quand on est mère de l'enfant du violeur.
C.A. : Ces scènes entre mère et fille montrent bien le conflit entre les générations. Il y a à la fois de la culture du viol mais aussi la "culture des petits mouchoirs", ces secrets qui doivent rester planqués à l'intérieur de la famille.
Il serait ainsi "normal" de répondre à ses "besoins" car c'est son mari : tellement de femmes ont entendu ce genre de clichés. Et c'est aussi pour cela qu'on n'ose pas aller porter plainte, qu'on n'ose pas se confier à sa propre famille parce qu'on a peur du jugement. Les choses commencent un peu à bouger, les femmes osent de plus en plus à parler, mais elles sont encore trop peu.
C.A. : C'est également pour cela que j'ai aimé ce rôle. Dans la vie, je suis entourée par une grande bande de copines et on se soutient les unes les autres. J'ai aimé cet aspect du scénario : ces femmes vont trouver leur force en agissant ensemble car seule et isolée, c'est très dur. Leur combat pour avancer est magnifique.
C.A. : Que la parole des femmes se libère, qu'elles osent parler et que certains hommes se rendent compte qu'ils ne sont pas dans la normalité, que certains gestes sont des viols. J'espère une prise de conscience, tout simplement.
J'ai deux petits garçons et je pense que l'évolution passera aussi par l'éducation. Ils sont encore très jeunes, mais je veux leur faire comprendre rapidement que la femme n'est pas un objet et leur apprendre le respect. C'est essentiel pour l'avenir.
Après le silence
Un téléfilm de Jérôme Cornuau
Avec Caroline Anglade, Clovis Cornillac, Alice David, Samira Lachhab, Farid Bentoumi...
Diffusion le 16 novembre 2022 à 21h10 sur France 2
La fiction Après le silence sera suivie d'un documentaire "Infrarouge", Combattre leur violence, qui lève le voile sur un autre sujet tabou : la prise en charge des auteurs de violences conjugales, suivi d'un débat présenté par Marie Drucker.
- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit.
- En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.