Culture
L'interview girl power de Yolande Moreau
Publié le 13 mars 2019 à 12:15
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Dans la comédie déjantée "Rebelles" (en salle ce 13 mars), Yolande Moreau fait équipe avec Cécile de France et Audrey Lamy pour se sortir de la mouise. Nous l'avons rencontrée pour parler girl power.
L'interview girl power de Yolande Moreau
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Le cheveu est toujours un peu fou, le regard franc et canaille. Yolande Moreau ne ressemble à personne. Dans Rebelles, l'actrice belge incarne une ouvrière qui gagne sa croûte dans une conserverie de poissons à Boulogne-sur-Mer et dont la routine va être chamboulée par une histoire de gros sous et de petits truands. Dans ce polar déjanté où se mêlent drame social et comédie tarantisnesque, les filles mènent la danse, coupent des zigounettes et manient le fusil. Des "femmes d'en bas" drôles et débrouillardes, trop souvent invisibilisées, à qui Yolande Moreau la généreuse n'aime rien tant que prêter sa gouaille.

Nous avons rencontré la comédienne engagée pour parler de féminisme, de nanas qui l'ouvrent et qui l'inspirent.

Terrafemina : Dans Rebelles, vous incarnez une ouvrière. Qu'est-ce qui vous pousse vers ce type de rôle ?

Yolande Moreau : Il faudrait poser la question au réalisateur. Mais j'ai un profil peut-être plus ouvrier.... Pourtant, je jubile quand on me demande de jouer une comtesse ! C'est à 10000 lieues de moi, mais j'adore : je suis comédienne et cela m'amuse beaucoup. Mais spontanément, on ne me demande pas souvent ça. J'incarne plutôt le monde ouvrier, le monde agricole, une boulangère, une charcutière... Rarement une pharmacienne... Ça ne le fait pas ! Mais finalement, peu importe les métiers. Ce qu'on défend, c'est les gens, c'est la fêlure qu'ils ont, c'est ce qu'il y a derrière et ce que l'on fait avec cette histoire.

Le film mêle comédie et drame social, avec ces héroïnes en situation précaire.

Y.M. : Ce sont de femmes qui travaillent dans une usine et c'est le fil rouge qui les unit. Et effectivement, quand elles tombent sur un sac de pognon, elles décident de le garder. Ça fait plaisir à tout le monde... Des gens de la haute auraient peut-être fait la même chose !

Considérez-vous Rebelles comme un film féministe ?

Y.M. : "Féministe", je ne sais pas si le mot convient car ce n'est pas un film de revendication. Mais là où je trouve qu'il y a une note féministe, c'est que la même chose serait arrivée il y a 30-40 ans, les femmes auraient fait appel à leur mari, à leurs cousins, à leurs frères pour régler la situation.

Or là, elles décident de prendre les choses en main : c'est elles qui manient le fusil, c'est elles qui vont se démerder pour garder ce sac plein de pognon. Ce sont des femmes qui agissent. Et ça, ce n'est peut-être pas très courant dans le polar. On voit des femmes flics, mais des femmes qui truandent... C'est un film trash et assez amoral. Et c'est dans ce sens-là que je le trouve féministe. Ce sont des femmes qui n'ont pas besoin des hommes pour régler cette situation. Et elles se démerdent bien.

Comment avez-vous vécu la déferlante #MeToo ?

Y.M. : Je trouve ça très chouette qu'il y ait une parole qui s'exprime et se libère. Par contre, je n'ai pas aimé #BalanceTonPorc, il y a quelque chose qui me choque dans l'appellation. Mais c'est très bien que les femmes osent dire ce qui se passe. Parce que pour les femmes, il reste du chemin à parcourir.

Je dis à mes petites-filles : "Battez-vous, ce n'est pas fini !". Il y a d'ailleurs des pays qui parlent de revenir en arrière, je pense notamment au droit à l'avortement. Je suis contente parce que chez moi, il y a de la relève !

Avez-vous vous-même été confrontée au sexisme dans le milieu du cinéma ?

Y.M. : Mais bien sûr ! Simplement le fait qu'il y ait si peu de femmes représentées au Festival de Cannes. Pourquoi ? Font-elles du moins bon boulot ? Et pourtant, les choses deviennent de plus en plus possibles. Je pense par exemple à Agnès Varda, qui a été l'une des premières femmes réalisatrices et aujourd'hui, il y en a beaucoup. Quand on pense que pour travailler, les femmes ont eu besoin d'avoir l'autorisation de leur mari jusqu'en 1965. Cela semble abracadabrantesque !

Il y a du chemin qui a été parcouru... mais il reste encore du chemin à parcourir pour avoir une crédibilité. On le voit bien dans la différence des salaires ou même pour exister par rapport aux hommes. Dans le milieu du cinéma aussi, bien sûr. Il y a toujours un petit macho qui traîne ! Ça existe encore.

Audrey Lamy, Cécile de France et Yolande Moreau dans le film Rebelles © Albertine Productions
Vous considérez-vous féministe ?

Y.M. : Oui. Je repense aux parcours de ma mère, de ma grand-mère... C'était quand même bien plus compliqué.

Quelle femme vous a le plus inspirée dans votre vie ?

Y.M. : Quand j'ai vu Zouc, je me suis dit : "On peut raconter les choses différemment". Elle faisait rire et en même temps pleurer. C'est une immense comédienne suisse, une Suissesse, que j'ai vue dans les années 70. Et avec elle, je me suis dit : ah, j'ai envie de faire ce métier, elle m'a donnée envie de faire ça. Elle m'a marquée.

L'actrice suisse Zouc © Getty Images

L'actrice suisse Zouc

Quelles héroïnes de fiction adoriez-vous enfant ?


Y.M. : Annie et Claude dans le Club des 5.

Quel est votre dernier moment badass ?

Y.M. : Dans le spectacle Prévert au théâtre du Rond-Point, je montre mon cul !

Quels droits des femmes attendez-vous encore ?

Y.M. : L'égalité salariale et puis je trouve aussi que les femmes qui sont en politique sont courageuses parce que souvent, elles n'ont pas encore vraiment le poids de la crédibilité.

Rebelles
Un film de Allan Mauduit
Avec Cécile de France, Yolande Moreau, Audrey Lamy...
Sortie en salle le 13 mars 2019
Sortie DVD, Blu-ray et VOD le 17 juillet 2019

Mots clés
Culture cinéma Girl power feminisme News essentielles interview
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