Il aura fallu une polémique de l'ampleur de celle entourant l'affaire Harvey Weinstein pour que l'omerta se brise enfin. Alors qu'aux États-Unis, des dizaines de femmes ont osé publiquement dénoncer les violences sexuelles qu'elles ont subi de la part du producteur hollywoodien, en France aussi, les femmes ont décidé de prendre la parole pour en finir avec le silence complice qui profite aux harceleurs sexuels.
Depuis vendredi 13 octobre, des milliers de femmes racontent, à l'aide du hahstag #BalanceTonPorc, les cas de harcèlement sexuel, voire d'agression qu'elles ont dû subir de la part d'hommes.
Lancée vendredi par la journaliste Sandra Muller en réaction au hashtag américain #MyHarveyWeinstein, son initiative se veut libératrice pour les femmes victimes d'hommes abusifs. Elle incite ainsi à donner "le nom et les détails" pour que pour une fois, la honte et la peur changent de camp.
Elle-même n'a pas hésité à livrer sur Twitter le nom de son harceleur sur le réseau social, un ancien responsable de chaîne qui lui aurait dit : "Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit."
Mais combien sont-ils, ces hommes, qui se permettent de proférer des immondices aux femmes, sous couvert d'une pseudo liberté sexuelle, et qui en réalité sont dites pour les dominer, les heurter et les humilier ?
D'après les centaines de témoignages glaçants, recueillis sous le hashtag #BalanceTonPorc, ils sont des centaines, usant de leur position hiérarchique et de leur pouvoir auprès des femmes.
Ce week-end, des journalistes, des anonymes, mais aussi des politiques à l'instar de la députée LREM Aurore Bergé ont témoigné sur Twitter pour briser le silence qui profite aux harceleurs et agresseurs sexuels.
Dimanche, à 13 heures, le hashtag #BalanceTonPorc avait été utilisé plus de 20 000 fois.
Si des hommes se sont eux aussi emparé de ce hashtag pour soutenir la démarche des femmes harcelées, cela n'a pas empêché d'autres de critiquer vertement l'initiative, jugée misandre et sexiste envers les hommes.
Ainsi, le politologue et essayiste Laurent Bouvet a tenté, en vain, de lancer en guise de réplique le hashtag #BalanceTonMecSuperCool pour "mettre en valeur les hommes qui ne se conduisent pas comme des porc". Non seulement il lui a été reproché de vouloir, une fois encore, priver les victimes de violences machistes de leur liberté de parole en accaparant le débat, mais aussi de vouloir être congratulé pour se comporter décemment avec les femmes.
Autre reproche émis envers les femmes s'étant approprié le hashtag : celui de donner le nom de leur harceleur et de risquer d'être poursuivies pour délation. Hors, à quelques rares cas près, comme celui de Sandra Muller ou de Caroline de Haas, rares sont les femmes à nommer explicitement celui qui les a harcelées.
Dans un long thread, la professeure de philosphophie Marylin Maeso explique ainsi pourquoi reprocher aux femmes de raconter sur Twitter un cas de harcèlement ou d'agression n'a rien à voir avec de la délation.
Un point de vue partagé par la journaliste Sandra Muller. "Il n'y a pas de risque de délation. Sinon ça risque de tomber sur le dos de la personne. Il y a très peu de réactions négatives sur Twitter. On ne voit pas beaucoup de noms. Les gens qui agissent sont assez responsables et agissent avec du bon sens", a-t-elle expliqué au micro d'Europe 1.
Quant à ceux qui se demandent encore "pourquoi les femmes n'ont rien dit", juste un rappel : 95% des femmes qui osent dénoncer leur harceleur au travail perdent leur emploi. D'où le nombre très limité de plaintes déposées par les femmes subissant du harcèlement.
Par ailleurs, ce ne sont pas les femmes qui ne parlent pas les coupables : ce sont ceux qui ont à leur égard des comportements impardonnables, mais aussi celles et ceux qui sont témoins de leurs agissements mais se taisent (coucou Bruno Lemaire).
Comme l'a rappelé la secrétaire d'État chargée de l'égalité femmes/hommes Marlène Schiappa, un tweet ne peut se substituer à une plainte déposée au commissariat. En revanche, l'intiative #BalanceTonPorc est nécessaire et salvatrice car elle permet aux femmes victimes de harcèlement d'enfin prendre la parole.