A une époque où les liens sociaux se forgent par écrans interposés, on a raison de se questionner sur les bons fondements de nos amitiés. Certaines sont faites pour durer, d'autres se délitent aussi rapidement qu'elles sont venues, sûrement motivées par la surconsommation qui s'immisce désormais jusque dans nos relations. "Les vrai·es ami·es se comptent sur les doigts de la main", assure l'adage. Et c'est parfois le cas. Mais ça ne veut pas dire que ceux et celles qui ont loupé leur place sur nos phalanges n'en méritent pas dans notre vie pour autant.
Ces amitiés dites "superficielles", ces connaissances qu'on baptise volontiers "copains" ou "copines" - comme pour marquer la différence avec les "solides" - sont plus nécessaires à notre bien-être que les pros du minimalisme relationnel voudraient l'admettre. Non, réduire nos cercles au strict minimum ne nous rendra pas toujours plus heureux·ses. Surtout si la seule motivation est de ne s'entourer que de personnes qui laisseraient tout tomber pour nous en un claquement de seconde. Aux grandes amitiés, de grandes responsabilités. Sauf que la légèreté et l'absence d'engagement aussi peut avoir du bon. Explications.
"Les amitiés superficielles peuvent offrir toutes sortes d'avantages", affirme Karen Kwong, psychologue, à Refinery29. "Vous pouvez faire différentes choses ensemble et obtenir de nouvelles perspectives parce que vous n'avez pas d''habitude' avec cette personne. Vous devenez ainsi plus libre et facile à vivre, vous pouvez oublier vos problèmes pour une nuit et l'autre n'aura pas d'idée préconçue de qui vous êtes ni de ce que vous pensez."
Loin de nous l'idée de se bâtir une fausse personnalité pour passer du temps avec nos potes de second plan, il s'agit plutôt d'un contexte où l'on peut s'échapper un peu du quotidien en évoquant des sujets différents et en se changeant les idées en cas de coup dur. Pas d'introspection autour d'un café, pas de leçon de morale (essentielle mais quelques fois pesante) sur notre mode de vie de la part de notre meilleure amie. Et puis au contraire, on peut aussi saisir cette distance avec l'autre pour se livrer sur des détails, des situations qui nous tracassent et que l'on n'ose pas forcément aborder avec nos proches. Un avis neuf, un oeil extérieur ne fait jamais de mal, et peut d'ailleurs nous faire ouvrir les yeux sur un sujet précis sans avoir l'impression d'être passée sur le divan.
Certes, les amitiés ne devraient pas se vivre comme un impératif. Seulement on ne peut pas vraiment nier qu'annuler un rendez-vous avec notre pote d'enfance le jour-même aura plus de répercussions que décommander une copine de fac qu'on revoit de temps en temps. Oui, être là pour les autres est important, et se tenir à ses obligations aussi. De plus, comme explique l'experte, "la beauté de ces amitiés intenses peut aussi être de savoir que vous avez quelqu'un qui sera avec vous dans les hauts et les bas de la vie." Mais elles demandent aussi beaucoup d'attention que l'on n'est pas toujours en mesure d'offrir. Une attention qui finit parfois par prendre des airs de pression involontaire - et bien réelle.
Alors bien sûr, les amitiés superficielles ont leurs défauts : si on ressent nous-même un engagement moindre à leur égard, c'est qu'elles nous le rendent bien. On ne peut pas compter sur elles à 100 %. L'astuce reste de savoir à quoi s'en tenir et de ne pas trop attendre d'une relation qui finalement, n'ira pas plus loin que quelques ragots autour d'une pinte une fois tous les deux mois et trois DMs sur Instagram dans l'intervalle - ce qui nous va parfaitement.
"Mieux vaut savoir à qui vous avez affaire. Si vous invitez quelqu'un à un événement auquel il est essentiel que cette personne arrive à l'heure, ou qu'elle vienne tout court, alors peut-être que convier une connaissance n'est pas la meilleure idée. Cependant, s'il s'agit d'un verre décontracté à plusieurs, invitez celui ou celle qui est toujours prêt·e à rire et ajoute une dynamique différente à l'événement."
Et puis, à force de les côtoyer, on finit par réaliser à quel point nos relations plus intimes sont précieuses. Et qu'on laisserait, nous aussi, tout tomber pour elles en un claquement de seconde.