"Désinfecter les pattes de son animal au gel hydro-alcoolique, ou à l'eau de Javel ?? NON !", décochait l'an dernier la SPA. C'était en 2020, c'était hier. L'on s'alertait alors des conséquences du coronavirus sur nos chers animaux de compagnie. Et plus précisément, des conséquences des angoisses de leurs maîtres. Les scientifiques ont du l'expliquer : les animaux ne propagent pas le COVID-19. Or, des reportages, du côté de Franceinfo notamment, relayaient des histoires terribles de chats... lavés au gel hydroalcoolique.
Mais aussi de chiens au pelage en partie brûlé à la javel. Par-delà ces maltraitances, on s'inquiétait des risques d'abandon. A raison. "Nous avons reçu énormément d'appels pour des abandons. Il y a ceux qui pensent que leurs animaux peuvent transmettre le coronavirus, et ceux qui partent en province, comme pour les départs en vacances. Si le confinement est maintenu, il faudra s'attendre à beaucoup plus d'abandons", expliquait Laëtitia Queherno, responsable d'un refuge de la Fondation assistance aux animaux, dans les pages de 20 Minutes.
Mais un an plus tard, peut-on encore observer les incidences du coronavirus concernant les abandons d'animaux, cette pratique si répandue et pourtant totalement illégale ? On fait le point.
En ces vacances cuvée 2021, force est de constater que l'heure est toujours au cri d'alerte. Du côté de la SPA par exemple, qui observe une accélération des abandons et une saturation certaine ces dernières semaines au sein des quasi 62 refuges et Maisons SPA qui ponctuent le pays. "L'association ne sera bientôt plus en mesure de prendre en charge les abandons et d'accueillir de nouveaux animaux", développe un communiqué, précisant que "la situation est alarmante, car cette tendance 2021 bat tous les tristes records des années précédentes".
Pourtant, les divers confinements ont pu susciter, par-delà la paranoïa des prémices pandémiques, une forme d'espoir. Nombreuses furent effectivement les voix anonymes à ériger leurs animaux chéris en compagnons précieux de cet isolement inédit, préoccupant et globalisé. Mais malgré cela, depuis le 1er mai, 11 335 animaux issus de l'abandon ont été recueillis en France par la SPA, à la date du 23 juillet 2021. Cela représente 7 % de plus qu'en 2019 sur la même période, précise la Société Protectrice des Animaux.
Comment expliquer cet état des lieux accablant ?
Président de la SPA, Jacques-Charles Fombonne a bien sa petite idée sur la question. "Généralement, l'abandon est du à l'adoption irréfléchie d'animaux. Quand on adopte un animal, il faut s'attendre à tout, s'assurer d'avoir assez de budget et d'espace pour s'en occuper, le faire soigner, le faire vacciner, le nourrir. Or pour beaucoup, un animal n'est encore qu'un jouet, mignon et amusant", nous explique-t-il.
Parmi les animaux les plus "kawai", l'on trouve évidemment les chats. Or, cette année, l'abandon de chats représente l'augmentation la plus forte de toutes : on l'estime à 20% de plus, sur la même période, par rapport à 2019. Car si dans l'inconscient collectif les abandons se résument à des chiens solitaires sur les aires de repos, une réalité dramatique, les chats également sont bien souvent victimes de cette situation. C'est pour cela que la SPA leur a dédié un spot original cette année. Et rappelle sur Twitter que nos amis félins abandonnés souffrent tout autant "de la faim, de la déshydratation, des blessures, des accidents, de la détresse psychologique".
Autre changement notable durant ces grandes vacances post-couvre feux, la capacité d'accueil des centres a été atteinte dès la mi-juin, et non fin juillet, comme c'est habituellement le cas pour la SPA.
Une nouvelle fois, Jacques-Charles Fombonne émet des hypothèses : "Les gens ont-ils anticipé les vacances et décidé de se débarrasser tout de suite de ce qu'ils pourraient considérer comme un poids ? On peut aussi penser à l'effet Covid : des animaux adoptés durant le confinement comme 'occupation', puis abandonnés".
Cet effet Covid serait-il à prendre en compte dans l'équation ?
Cette idée "d'animal-occupation" durant le confinement est en tout cas appuyée par la présence, forte, des grands oubliés, pourtant si nombreux, de cette vague d'abandons : les "NAC", ou nouveaux animaux de compagnie, comme les lapins. "La présence de ces animaux démontre que beaucoup de personnes se sont rendues en animaleries ces derniers mois. Certains s'approprient les animaux comme des objets, et se retrouvent de fait bien 'encombrés' à la veille des vacances. D'autant plus que dédier un budget régulier à un lapin pour assurer sa garde l'été n'est pas une pratique forcément très répandue", déplore Jacques-Charles Fombonne.
"Il y a eu un double effet contradictoire concernant les animaux et le confinement. Ceux qui d'habitude regrettaient de ne pas avoir assez de temps pour s'en occuper ont pu en profiter largement, mais ceux qui ne bénéficiaient pas assez d'espace se sont probablement confrontés à une promiscuité qui les ont déplu, quitte à considérer leur animal comme un 'boulet'", développe le président de la SPA.
Cependant, en ce mois d'août, cet "effet coronavirus" est à modérer dans les faits. "L'effet coronavirus n'a pas été majeur : on nous a pas ramenés les animaux par milliers. Malgré cette très nette augmentation du nombre de chats amenés dans nos centres, les chiffres que nous avons n'en font pas une évidence", affirme notre interlocuteur. Au bout d'un an de crise sanitaire, l'abandon des animaux n'apparaît comme un phénomène indissociable du Covid, plutôt comme le triste prolongement d'une inconscience systématique.
Un système qui exige d'être bousculé. Et pas simplement en rappelant que l'abandon d'animaux est un délit, acte de cruauté et de maltraitance pouvant entraîner deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.
"Il faut surtout éduquer, se rendre dans les écoles pour éveiller les consciences des plus jeunes au sujet de l'animal, de ses besoins, de ce qu'il faut lui faire, ne pas lui faire. Si l'enfant devient un adulte qui comprend qu'un animal n'est pas un jouet, alors on aura tout gagné", achève Jacques-Charles Fombonne.
Indispensable pour bâtir un monde d'après plus soucieux de la condition animale.