Les podcasts, les films, les essais qui donnent à penser ou encore la pornographie féministe, sont autant d'activités profitables à tout bon confinement. Mais il y a mieux encore pour combattre cette terrible anxiété que nous éprouvons face à la pandémie mondiale de coronavirus : les animaux. Ces chats, chiens et bêtes fidèles que bien des personnes confinées ont à leurs pieds, dans un coin de leur appart' ou ailleurs, qui vous guettent du regard, dorment paisiblement et viennent réclamer leur dose de caresses.
Un animal, ce n'est pas juste mignon. Votre binôme vous réconforte, réclame votre attention (et la détourne de l'anxiogène), il n'est pas simplement là pour déguster ses friandises mais pour cajoler votre santé mentale. Alors que le confinement représente un risque pour les personnes les plus vulnérables psychologiquement, il faut prendre le temps de les en remercier. Vous n'avez d'ailleurs pas manqué de nous dire pourquoi félins, canidés et reptiles sont si importants dans votre vie de confiné·e.
"Mon chat, ma bataille". C'est le leitmotiv de Pauline lorsqu'on l'interroge sur son félin adopté il y a onze ans déjà. Dans son appartement de banlieue parisienne, cette jeune femme de 33 ans habituée aux activités solitaires passe le temps en contemplant ce chat dont elle connaît par coeur "le planning de dodo". Loin d'être détendue au vu du flux d'infos anxiogènes déversées sur les réseaux, elle accorde aux parenthèses-câlins une importance capitale. "Je suis assez anxieuse et mon chat m'aide à me réguler, il vient régulièrement me voir et sa présence est essentielle à mon équilibre", détaille-t-elle. Un chat, plus bienfaiteur qu'une séance de yoga ? Peut-être. Quand il est là, il devient le centre de l'attention, un sujet de conversation propice à surplomber les news qui plombent.
En temps de catastrophe, les animaux ne nous font pas tout oublier, non, ils ouvrent une autre fenêtre sur la réalité. Loin de nos sociétés accélérées, par ailleurs à peine ralenties malgré le confinement, ils incarnent le temps long, celui de la contemplation et du soin.
"Ella, mon golden retriever, vient toujours nous voir avec la langue pendante, le regard lumineux, pour qu'on s'occupe d'elle. Et si on arrête de la caresser deux minutes, elle pousse ta main du bout de la truffe, d'un air de dire 'hého, c'est pas fini là, me lâche pas !', explique d'un sourire Gabin, 25 ans. La présence de son chien lui donne l'impression "que la vie continue". En partie car "ce sont les seuls êtres avec qui nous n'avons pas à entretenir la fameuse distanciation sociale !", ironise-t-il. Car oui, rappelons que les animaux de compagnie ne peuvent pas transmettre le coronavirus.
Les personnes seules, précaires, dépressives, font partie des grands invisibles d'une situation alarmante qui n'a pas grand-chose de romantique. Diane, quant à elle, est hypersensible. Ses deux chats et ses deux chiens - de véritables "réservoirs d'amour" - ne sont pas de trop pour l'aider à gérer ses trop-plein d'émotions négatives. "La présence d'animaux est nécessaire au bien-être car ils apportent un équilibre émotionnel", affirme-t-elle.
A 27 ans, alors qu'elle vit le confinement en famille, elle perçoit en ces comparses poilus, dont elle admire la force "paisible, calme, confiante", une stabilité qui manque cruellement au monde. "Leur présence te responsabilise, puisqu'il s'agit de s'occuper d'un petit être vivant. Il est difficile de rentrer dans une routine toxique quand on est avec des chiens : ils te poussent à te lever, à sortir les promener, à les nourrir, à jouer avec eux", raconte-t-elle.
Partout, les animaux comblent l'espace et l'esprit. Alors que bien des gens se demandent aujourd'hui comment "remplir" le temps libre, eux respectent leur petite routine avec minutie. "Ma chatte est complètement inconsciente de la pandémie donc elle n'alimente pas la névrose comme un autre adulte pourrait le faire, et ça fait baisser mon angoisse de voir que le virus ne fait pas partie de sa réalité", se réjouit Adeline, 39 ans, qui affronte son isolement en solitaire. Elle ajoute : "Puisqu'elle me parle et dort sur moi, j'ai moins l'impression de vivre seule".
Loin du discours gnan-gnan, la sensibilité de nos amies les bêtes est d'une grande valeur. Elle nous incite à aiguiser, quand le temps semble s'étirer, une perception tout à fait différente de notre environnement, comme pour mieux nous protéger de la dureté frontale des actualités.
Erwan le ressent intimement. Pas de chiens ou chats dans sa petite piaule parisienne de 17 mètres carré, mais deux geckos arboricoles cohabitant dans un vaste vivarium en verre. Exit les câlins confortables donc. C'est tout un protocole à respecter qui se déploie, matins et soirs, à la lettre - prendre soin des plantes, de leur eau, de leur nourriture, guetter leurs déplacements du coin de l'oeil.
"Quand leur vivarium s'allume automatiquement le matin, ça illumine un peu ma journée. Je pose les yeux sur ce petit bout de jungle que j'ai chez moi. Alors qu'en ce moment je sors le moins possible, j'aime avoir à l'intérieur de mon appartement cet espace de forêt vierge rien qu'à moi avec des plantes, des êtres vivants, un soleil artificiel, des bruits d'insectes et des feuilles qui bruissent, c'est un peu de nature à la maison", narre-t-il non sans rêverie.
Observer avec soin donc, quitte à s'immerger complètement dans ce paysage où flânent ces beautés. D'ailleurs, Erwan l'admet volontiers : "Pendant qu'elles se baladent sur la paroi en verre du vivarium ou dans les plantes, je fais une pause, je les cherche dans leur jungle, et je me perds un peu avec elles..."
"Je trouve que les liens qui se créent entre Hommes et animaux sont très particuliers", corrobore Diane. "Ce sont des relations sans paroles, parfois télépathiques, qui se fondent sur des regards et des émotions. Un lien qu'on pourrait qualifier de 'pur' car il n'est pas parasité par tout ce qui caractérise la communication humaine". La jeune femme envisage même ces compagnons comme "des guides dans le changement de paradigme de nos sociétés", à l'heure du grand effondrement.
Elle n'est pas la seule à le penser. Pour Matthieu, 34 ans, ce que nous vivons aujourd'hui "est la grande victoire des animaux". Et pas simplement car le trentenaire met son chat (Lulu) en vedette sur les réseaux, déstressant ses collègues en leur envoyant ses photos via Whatsapp - "ça apaise ceux qui ont pas d'animal de compagnie et ça infuse de la 'cuteness' dans l'espace de travail", explique-t-il.
Alors que la pandémie du coronavirus a tout à avoir avec l'exploitation animale, Matthieu se réfère plus aux sons des oiseaux qui résonnent enfin dans les grandes villes - désertées - comme Paris. "D'une manière générale, les bêtes nous aident à ne pas nous taper la tête contre les murs. Peut-être qu'après tout ça, on va se rendre compte qu'on a besoin d'elles et qu'on va devoir réduire nos conneries pour les laisser vivre avec nous", espère cet amoureux des félins. Sans grandes illusions pourtant, "car l'humain préférera toujours dézinguer un renard qui passe dans son jardin que de s'émerveiller de cette nature qui interagit avec l'humanité", cingle-t-il.
Les inquiétudes des refuges, associations et sociétés protectrices mettent elles aussi à mal cette utopie. "Vous ne risquez rien auprès de vos animaux ! Ils ne sont pas porteurs du conoravirus et ne peuvent pas vous le transmettre ou le faire circuler", tient à rappeler la Société Protectrice des Animaux, craignant "l'abandon massif des animaux de compagnie" dans les semaines à venir.
Responsable d'un refuge de la Fondation assistance aux animaux, Laëtitia Queherno tire elle aussi la sonnette d'alarme du côté de 20 minutes : "Nous avons reçu énormément d'appels pour des abandons. Il y a ceux qui pensent que leurs animaux peuvent transmettre le coronavirus à l'homme, et ceux qui partent en province, comme pour les départs en vacances. Si le confinement est maintenu, il faudra s'attendre à beaucoup plus d'abandons. C'est une bombe à retardement".
"On peut expliquer ces abandons par un mouvement de panique générale. La peur et l'égoïsme se dévoilent", s'attriste Guillaume, 29 ans. Lui qui cajole sa chatte, admirant "sa routine égoïste de 16h de sommeil par jour, peu importe le contexte sanitaire", reste persuadé que "notre rapport aux animaux révèle un rapport à l'humanité tout simplement". C'est dire s'il ne voit pas d'un oeil bienveillant celles et ceux qui laissent leurs chiens sur un coin de route, sans grands remords, tout comme ils dévaliseraient le rayon papier-toilette de leur supérette.
"C'est irresponsable de les abandonner ainsi, pandémie ou pas, Ce ne sont pas des objets de déco que l'on peut jeter à la poubelle. C'est fou qu'il faille sans cesse le rappeler !", s'indigne à l'unisson Pauline. Passé l'énervement, la trentenaire en revient à l'essentiel : le stock de croquettes dans un coin de la cuisine, les regards au loin, les ronrons qui rassurent. Vous l'aurez compris : en ces temps troublés, prenez soin de vous et de vos animaux.