La scène se déroule durant un shooting, tout ce qu'il y a de plus ordinaire. La chanteuse Cardi B, popstar aujourd'hui mondialement acclamée, prend la pose, comme convenu. Les clichés sont destinés à figurer dans une revue. Mais soudain, le photographe s'arrête. Il s'approche de la chanteuse. Lui dit : "Tu veux vraiment être dans ce magazine, pas vrai ?". Puis sort son pénis de son pantalon. Scandalisée, l'artiste s'en va, furieuse, après lui avoir décoché : "Je vais me barrer d'ici". Dont acte.
Ces faits accablants, Cardi B a mis du temps à les relater aux médias, comme l'énonce aujourd'hui le Huffington Post. L'agression sexuelle dont elle assure avoir été victime s'est passée il y a de cela quelques années. Il a fallu attendre sa venue sur le plateau de l'émission musicale Untold stories of hip hop en ce mois de septembre pour qu'elle en fasse enfin part aux téléspectatrices et téléspectateurs. Sans pour autant tout dévoiler.
Lorsqu'on lui demande le nom de son agresseur, elle cingle, offusquée : "Si cela avait lieu aujourd'hui, je balancerais son nom sur Instagram".
Lorsque le photographe a exhibé son sexe et s'est approchée d'elle, raconte la chanteuse à la journaliste Angie Martinez, sa première réaction aurait été : "Putain, c'est quoi ce bordel ? Tu pètes les plombs !". Une colère vive qui se ressent toujours autant, bien après les faits, sur le plateau de Untold stories of hip hop. Et pour cause, puisqu'elle est autant alimentée par ces faits relatés que par un assourdissant - et révoltant - silence, épinglé par la victime : celui du directeur du magazine en question. Ce dernier était au courant de cette agression. Mais n'aurait absolument pas réagi.
"J'étais tellement en colère... Tu sais ce qui est fou ? Je l'ai dit au propriétaire du magazine et, en me regardant, il m'a répondu : et alors ?", explique-t-elle en ce sens à l'animatrice. De ce fameux magazine justement, Cardi B refuse également de dévoiler le nom. Toujours est-il que le discours de la superstar des Grammy Awards n'a rien d'anodin. Durant l'émission, la chanteuse ajoute effectivement : "Quand je vois le mouvement #MeToo, je sais que plein de filles des 'quartiers' ont subi le même type de traitement. Ça arrive tous les jours". Des "filles" qui, elles aussi, n'osent pas témoigner. Mais en 2019, il est grand temps de libérer la parole. Pour que la peur change de camp.
D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que Cardi B accorde sa voix à celles des femmes anonymes, qui, elles aussi, sont indignées par les abus - quels qu'ils soient. L'an passé déjà, au magazine i-D, elle expliquait son expérience du féminisme. "Etre féministe est une très bonne chose et certaines personnes ont le sentiment que quelqu'un comme moi n'est pas suffisamment "bon" pour cela", confiait-elle, avant de développer sa vision : "Ces personnes-là croient que seule Michelle Obama peut être féministe. Or, être féministe se résume à quelque chose de très simple : être persuadée qu'une femme peut faire la même chose qu'un homme. Tout ce qu'un homme peut faire, je peux le faire. Je suis une femme et je l'ai fait !". Un appel salvateur à l'égalité des sexes. Cet idéal, qui, hélas, reste de l'ordre de l'utopie...