Dans son Guide des emmerdeurs, des cons et des importuns*, Stéphane Rose, co-créateur des Gérard de la télévision, a passé en revue ces relous qui nous font sortir de nos gonds quotidiennement. S’il inventorie ces enquiquineurs au boulot, en vacances, à la maison ou au quotidien, il s’intéresse également aux métiers et corporations, dont beaucoup s’arrangent avec la vérité avant de nous prendre la tête, raison pour laquelle nous avons décidé de lister quelques petits mensonges des métiers. Merci à lui pour son inspiration, et pour les éclats de rire.
Son plus gros mensonge ? « Oui oui, quelques centimètres »
Armé de son plus grand et mielleux sourire, et d’une angoissante paire de ciseaux, le coiffeur fait toujours mine de vous écouter, dans un premier temps, pour mieux vous endormir. On les coupe comment, aujourd’hui, s’enquerre-t-il alors. « Une question purement formelle, posée par le vil coiffeur pour vous mettre en confiance et endormir votre vigilance avant qu’il n’accomplisse son méfait. » Plongé dans votre Gala, lorsque vous découvrirez votre iroquoise, il sera trop tard…
Pourquoi il ment ? Parce que sa life c’est de couper et de tenter toutes ces coupes incroyables qu’il a apprises à l’école, pas d’égaliser des frileuses qui tremblent à l’idée de décaler leur raie d’un demi-centimètre après quinze ans de statut quo capillaire.
La solution ? Une vigilance de chaque instant.
Son plus gros mensonge ? « Franchement, ça vous va troooop bien ! »
Saucissonnée dans un slim 28 alors que vous faites un bon 32 (mais y’avait plus votre taille), vous sortez timidement de la cabine, alors que la vendeuse trépigne devant le rideau depuis plusieurs minutes (« Ça vaaaa ? La taille ça vaaaaa ? »). Les bouées dégoulinant sur la ceinture péniblement fermée après une lutte titanesque, les cuisses privées de toute circulation sanguine, vous peinez à faire les trois pas de geisha qui vous séparent du cruel miroir. « Ah nan mais ils se détendent ! Et puis ça se porte comme ça, hein ! », ajoute-t-elle alors, manifestement conquise.
Pourquoi elle ment ? Parce qu’il faut bien qu’elle le refourgue, ce slim mal coupé !
La solution ? Ne jamais se promener seule en boutique. Être accompagnée d’une amie qui vous veut du bien semble définitivement plus prudent.
Son plus gros mensonge ? « Ça ne prendra que cinq petites minutes »
Après avoir faut la folie de répondre à un numéro inconnu (quelle idée !), vous voilà prise de pitié face à cet enquêteur téléphonique qui récite machinalement son texte lu sur un prompteur Atari des eighties dans une salle froide du bout du monde. Promis, juré, ses questions ne vous prendront que « quelques minuscules minutes ». Ben voyons. Vingt minutes plus tard, vous sentez bien que le déroulé du prompteur est loin d’en avoir fini de vous…
Pourquoi il ment ? On le force (le prompteur). Il en souffre peut-être.
La solution ? Ne plus répondre aux numéros masqués, voyons !
4. Le médecin
Son plus gros mensonge ? « On va faire quelques petites analyses pour se rassurer »
Warning ! Quand le doc ajoute systématiquement l’adjectif « petit » dans toutes ses phrases (« petits examens », « petite tumeur », « petit séjour à l’hôpital »), il y a fort à parier qu’il veuille en réalité minimiser le danger qui nous guette. Notons au passage que ce spécialiste de la torsion de vérité n’est pas en reste côté vie quotidienne puisque, lorsqu’il vous donne rendez-vous à 18 heures, il vous prend rarement avant 19h30. Oui oui, RAREMENT.
Pourquoi il ment ? A votre avis ?
La solution ? Aucune, vous le savez bien. Et c’est parce qu’il a les pleins pouvoir que vous vous laisserez docilement endoctriner. Savez-vous pourquoi on dit « mentir comme un arracheur de dents » ? Parce que ces douces personnes, qui passaient autrefois de ville en ville pour soulager les patients à la dentition en bout de course, leur promettaient qu’ils ne souffriraient pas (avant de se saisir d’une pince et de déraciner la chose sans anesthésie sous les roulements de tambour). Pour leur bien.
5. L’agent immobilier
Son plus gros mensonge ? « C’est une très belle prestation, lumineuse et pleine de charme »
Beau 3 pièce sans vis-à-vis dans charmante ruelle, atypique, à saisir, coup de cœur ! Devant une annonce alléchante mais étonnamment dépourvue de photos, vous appelez l’agent en charge de la location. Celui-ci vous rassure, le produit « vient de rentrer », raison pour laquelle il n’a pas eu le temps de rendre visible la merveille mais il vous le garantit, ça vaut le déplacement ! Vous posez donc un RTT, ou bouffez votre heure de dèj' pour vous rendre, avec 3 bus différents, dans le quartier « émergent » en question pour atterrir dans un cloaque aveugle (sans vis-à-vis, donc), dans lequel on accède au salon en passant par la salle de bains et les toilettes, en enfilade.
Pourquoi il ment ? Parce qu’il se traîne cette bouse inlouable depuis six mois et qu’il se dit qu’il y aura bien un désespéré qui finira par le prendre, et qu’avec sa com’ il pourra se payer une nouvelle cuisine, lui.
La solution ? Ne pas lâcher la bête et poser les bonnes questions. Orientation, étage, travaux, depuis quand est-il en vente ? Dans l’idéal, se faire envoyer des photos.
Entre « pieux mensonges », comme on disait autrefois, et arnaque patentée, le concept du mensonge dans la vie professionnelle (ou autre) a des frontières ténues. Mais on l’aura compris avec ces exemples illustratifs, le cœur de la question est bien : peut-on être franc au boulot, que ce soit avec ses clients, prospects ou patients potentiels, mais aussi avec ses collègues ? Ou encore, franchise et vie professionnelle font-ils bon ménage ? Alors que faux diplômes et CV « revisités » fleurissent chaque jour, brandis par des candidats lassés de se voir refuser des postes pour quelques paperasseries, il semble que la vérité nue ne soit pas forcément la meilleure alliée du salarié.
Car si la loyauté vis-à-vis de son employeur est une valeur primordiale, il y a un gap entre révéler qu’on est un flemmard patenté et essayer de se mettre en valeur. Quant à mentir sur son CV, si dire qu’on joue du piano alors qu'on ne l'a pas ouvert depuis quinze ans n'est pas bien grave, un médecin qui affirmerait avoir des compétences qu’il n’a pas, c’est autre chose.
On l’aura compris, chacun doit trouver où placer le curseur sans que jamais sa réputation ou son professionnalisme ne puissent en être atteints.
* Le guide des emmerdeurs, des cons et des importuns, par Stéphane Rose chez Tut-Tut.