"J'ai fait équipe avec Patty Jenkins pour porter à l'écran l'histoire de Cléopâtre, reine d'Egypte, et ce d'une manière qui n'a jamais été vue auparavant : raconter son histoire à travers les yeux des femmes, derrière et devant la caméra". On a déjà connu note d'intention moins séduisante que cette annonce de l'actrice israélienne Gal Gadot, notamment connue pour son rôle de Wonder Woman (devant l'objectif de ladite Patty Jenkins). Mais s'il est signe d'ambitions bien placées comme le suggère ce tweet (valoriser les figures féminines, des personnages représentés au casting), ce Cléopâtre nouvelle version suscite déjà toutes les controverses.
Pourquoi ? A cause de la "blancheur" majoritaire du casting, dont celle de la tête d'affiche. Des tonalités qui n'auraient pas grand-chose à voir avec la couleur de peau de Cléopâtre, icône de l'Égypte antique. Egyptienne donc, ce que n'est évidemment pas la jeune actrice israélienne. La journaliste Sameera Khan ne se prive pas de l'observer, et sans détour : "Quel idiot d'Hollywood a pensé que ce serait une bonne idée de désigner une actrice israélienne au lieu d'une superbe actrice arabe comme Nadine Njeim ? Honte à toi, Gal Gadot", écrit-elle.
Sameera Khan accuse Gal Gadot et Patty Jenkins de "voler les rôles des comédiennes arabes". L'autrice poursuit : "Nous savons avec certitude que Cléopâtre était à la fois grecque et berbère et cela fait des siècles que les universitaires débattent de ce sujet". Une réalité que bafouerait l'interprète de Wonder Woman. Un débat qui génère de vraies interrogations.
Au devant d'elles, cette expression désormais plus familière : le white-washing. Soit le fait de "blanchir" des personnages, au détriment de leurs origines supposées. C'est le cas quand Scarlett Johansson avait été choisie pour incarner le rôle de la cyborg Motoko Kusanagi dans l'adaptation live du manga japonais Ghost in the Shell. Quand Jake Gyllenhaal se fait Perse pour le blockbuster Prince of Persia : Les Sables du temps. Ou encore lorsque de curieux décideurs des années 90 ont l'idée saugrenue de proposer à Julia Roberts un rôle d'activiste noire - avant de rebrousser chemin, fort heureusement. Mais la liste ne s'arrête pas là.
Non, car l'on pourrait encore citer... Elizabeth Taylor, choisie pour incarner Cléopâtre en 1963, dans l'impérial péplum de Joseph L. Mankiewicz. Déjà à l'époque, la polémique était vive, comme l'énonce le magazine en ligne israélien Times of Israel. A cause de la couleur de peau de l'actrice, mais aussi, poursuit le journal, de sa conversion au judaïsme, à une époque où l'Egypte considérait l'Etat juif comme un ennemi. Rappelons que durant les années soixante, des conflits comme la guerre des Six jours, notamment, opposaient Israël à l'Égypte. C'est dire si l'historique cinématographique de Cléopâtre n'a jamais fait l'unanimité.
Et ce n'est pas la première fois que l'Egypte se retrouve "white-washée". Les plus malheureux cinéphiles se souviennent de Gods of Egypt, blockbuster au devant duquel trône l'acteur britannique Gerard Butler. Mais pour ce qui est de Cléopâtre, c'est encore à de longues discussions que nous renvoient ces choix de casting. Aux quatre coins du globe, les origines de la reine ne cessent d'être interrogées. La BBC, documentaire à l'appui, insiste sur ses origines africaines. Des restes humains le prouveraient. De même, le chercheur et historien panafricaniste américain réputé John Henrik Clarke a toujours défendu l'hypothèse d'une "Black Cleopatra" .
D'autres érudits, comme le biographe Duane W. Roller, affirment cependant que "Cléopâtre serait aux trois quarts grecque macédonienne et un quart égyptienne". Un débat qui n'en finit pas, donc. Et il n'y avait pas de raison que le projet de Patty Jenkins y échappe. Certains internautes, cependant, en appellent d'emblée à la modération. "Il n'y a aucune assertion à faire étant donné que sa couleur de peau n'a jamais vraiment été identifié, il n'y a que des théories. On estime généralement qu'elle était d'origine macédonienne, iranienne et syrienne, alors que d'autres thèses soutiennent une ascendance nord-africaine", appuie à ce titre une voix anonyme.
Qu'importe, loin des polémiques, l'actrice Gal Gadot n'en démord pas. Insistant sur ses convictions féministes auprès de ses millions de followers, elle annonce sur Twitter : "Nous espérons que les femmes et les filles du monde entier, qui aspirent à raconter des histoires, n'abandonneront jamais leurs rêves et feront entendre leur voix, par et pour d'autres femmes". A la lire, c'est la dimension "inspirante" du projet qui importe plus que tout.