L'opinion générale semble considérer qu'une femme sait intuitivement comment se comporter avec des enfants, comme si une maman sommeillait en chacune d'entre nous et prenait les commandes dès qu'elle détectait la démarche chancelante d'un bambin joufflu.
Sauf que non, nous ne sommes pas toujours naturellement à l'aise avec les enfants. Et si vous ne les adorez pas ou si vous n'en avez pas, il est parfois compliqué de communiquer avec eux. Pour un peu que vous soyez en public, ça devient une démonstration terriblement gênante : vous, la femme sans enfant, réputée être un monstre de froideur, égoïste et cruel, devait prouver à l'audience qui surveille votre sourire crispé que non, non, vous êtes bien humaine et que oui, vous adorez les gosses. Parler aux enfants n'est pas une science exacte : ce sont des petits êtres très imprévisibles. Mais il y a néanmoins quelques astuces pour devenir la meilleure amie des enfants, même quand vous n'en avez pas.
Mettez-vous en tête que les enfants ne sont pas une espèce à part : ils sont plus jeunes, mais pas idiots pour autant. Et l'une des choses qui les insupportent le plus est d'entendre un adulte leur parler d'une voix mielleuse et débilitante. Ils savent qu'ils sont petits, et ils détestent que vous leur rappeliez en les infantilisant. Donc pour établir un bon contact avec un enfant, parlez-lui comme vous parleriez à un ami : vous pouvez même leur serrer la main et leur demander ce qu'ils pensent de l'actualité récente, généralement ils adorent, ça les flatte.
Les enfants sentent votre désespoir. Si vous faites du forcing, en vous traînant à ses pieds et en ânonnant des comptines sans queue ni tête pour lui arracher un sourire, vous risquez de le mettre mal à l'aise. Il faut apprivoiser l'enfant comme une bête sauvage effarouchée : appâtez-le, puis laissez-le venir à vous.
Par moments, s'occuper d'un jeune enfant, c'est comme prendre soin de votre meilleure amie quand elle a trop bu en soirée. C'est parfois plus simple de suivre la danse, entre leurs accès de folie où ils sautillent compulsivement et tapent sur tout ce qu'ils trouvent et leurs périodes de grand calme –presque plus effrayantes encore- où ils se contentent de mâchouiller ce qui leur tombe sous la main , les yeux dans le vide. Adaptez-vous à leur humeur, et participez à leurs activités en les laissant vous guider : ils seront ravis d'avoir un nouveau partenaire de jeu qui leur prête une oreille attentive.
Les enfants ne sont pas des perroquets fous : oui, vous pouvez avoir un verre de vin à la main en leur parlant. Non, vous n'êtes pas obligée de remplacer vos jurons habituels par "saperlipopette" dès qu'un bambin pointe le bout de son (adorable) petit nez. Ne commencez pas à vous comporter bizarrement pour lier contact avec eux : les enfants aiment le naturel. Et ils ont un faible pour les adultes les plus décontractés : vous marquez des points en leur montrant un jeu drôle , pas en babillant d'admiration devant eux.
Ou plus précisément, évitez les questions trop vagues, ennuyeuses (typiquement, sur sa matière préférée à l'école ) ou idiotes ("Tu l'aimes gros comment, ta mamounette ?"). Les enfants sont plus directs que nous ; ce qui est une manière diplomate de dire qu'ils sont très forts pour vous envoyer balader avec violence et mépris. Pour lui délirer la langue, tournez-vous plutôt vers les options de facilité : "Tu le trouves pas un peu pénible, ton petit frère ?" (sournois, mais efficacité garantie) ou "Tu veux qu'on aille voler des biscuits apéritifs sur la table ?" (si vous voulez vous la jouer "partner in crime", une stratégie qui paye).
Votre plus grand atout, pour parler avec un enfant, c'est votre imagination. Ne pensez pas "occupations favorites" et "devoirs de vacances", pensez Jedi, pensez Harry Potter, Iron Man, Frozen, dragons magiques, créatures enchantés, et aptitudes spéciales. Imaginez quels seraient vos superpouvoirs ou cherchez ensemble quel serait votre animal fantastique de compagnie. Inventer des formules magiques en alignant des mots bizarres, c'est aussi quelque chose qui peut les faire rire. En fait, il suffit de comprendre que vos discussions sur le beau temps, les grèves de la RATP, et votre horrible patron, il s'en moque comme de sa première couche. Et rien que pour ça, on commencerait presque à les trouver sympathiques en fait, ces enfants.
Ce n'est pas le moment d'expliquer que vous trouvez que le dessin animé de Peppa Pig est ridicule, et que la différence de taille entre maman Pig et papa Pig est scandaleuse et renforce des clichés sexistes dont on pourrait bien se passer. Ne dites pas non plus que vous souhaiteriez que Violetta finisse par se noyer dans la soupe qu'est en réalité sa musique. Et surtout, taisez vos interrogations sur Minecraft et sur l'intérêt de jouer à un jeu où tout est désespérément carré, quand il y a déjà les Lego pour ça. Vous le prendriez comment, s'ils vous disaient "Ned Stark était un chacal, je n'ai jamais rien vu de plus réjouissant que sa décapitation" ? Eh bien voilà.
En fait, ce n'est pas difficile, de bien s'entendre avec un enfant. Il vous suffit de quitter votre sourire figé, d'abandonner vos intonations pleines de guimauve, et de s'amuser. Oui, vous avez le droit de danser le limbo avec lui, et d'essayer de manger le plus de gâteaux possibles en une seconde. Ce qui compte, c'est d'être naturelle et de se souvenir de ce que vous auriez aimé faire avec un adulte, à vos six ans. Et vous verrez, c'est reposant de traîner avec quelqu'un qui vous trouve à mourir de rire juste parce que vous dites "caca boudin", qui pleure quand il est triste et hurle de rire quand il est content, qui ne se moque pas de vous si vous vous tachez, et qui ne remarque absolument pas que vos chaussures ne sont pas accordées avec votre sac. On y prendrait presque goût.