Nombreuses sont les voix à alerter aujourd'hui quant aux effets néfastes des applications de rencontres type Tinder. Mise en compétition, image faussée de soi, peur du rejet d'autrui, voire même dépression... Autant d'éléments qui malmènent l'estime de soi. De quoi manipuler votre smartphone avec des pincettes.
Mais ce n'est pas tout. Alors que ces enjeux sont de plus en plus mis en lumière, la question primordiale de la santé mentale et des applications de rencontre doit également être repensée concernant les personnes les plus vulnérables. Et notamment, celles et ceux qui souffrent déjà d'anxiété. Car leur situation n'est en rien arrangée par ces applis pourtant très populaires. Plusieurs expertes tirent la sonnette d'alarme à ce sujet.
Comme la professeure adjointe d'études sur les médias Kathryn Coduto par exemple (South Dakota State University). Particulièrement préoccupée par la liaison entre l'anxiété sociale et l'utilisation des applis de rencontres, elle le déplore à Mashable : "Les personnes socialement anxieuses sont généralement préoccupées par la façon dont elles vont être jugées lorsqu'elles se retrouvent avec quelqu'un. Elles essaient souvent de contrôler ce qui se passe en contrôlant ce qu'elles disent et leur apparence".
Une pression sociale inhérent à ce type de applications ou de sites. "Sur un profil de rencontre, vous pouvez créer n'importe quelle version de vous-même, une version que vous trouvez 'souhaitable'. Mais en même temps, si personne ne s'accorde à cette version idéalisée de vous-même, cela peut être une bien plus grande déception encore", alerte la professeure. Pour les anxieux, le constat est brutal : pile tu perds, face, tu perds.
Sont inclus à cette réflexion, les mécanismes mêmes de ces plateformes. Le "swipe" par exemple, autrement dit ce qui permet de passer d'un profil à un autre en les faisant glisser, serait un geste particulièrement violent pour les personnes déjà fragiles psychologiquement. A cela faut-il ajouter une myriade de phénomènes : la quête d'approbation, le ghosting (quand une personne vous répond, puis vous ignore), la déception potentielle relative aux interactions vécues...
Autant de déclinaisons possibles de l'anxiété sociale.
"En tant que personne vivant avec un trouble anxieux généralisé, l'idée de m'impliquer dans une situation anxiogène - de la prise de parole en public à un premier date - peut me donner envie de me cacher sous les couvertures et d'y rester à jamais. La nature imprévisible de ces situations et la pression exercée semblent menacer tout sentiment de sécurité. Mon anxiété vient de la peur d'un manque de contrôle et d'être jugée ou mal aimée", développe l'autrice d'un billet du site Hello Giggles justement dédié à ce sujet.
Comme l'énonce la psychologue Lisa Shull Gettings au site, "le protocole des rencontres en ligne a tendance à toucher tous les déclencheurs d'anxiété, y compris la crainte du rejet, l'incertitude quant à l'avenir et le manque de contrôle perçu". Tout cela, déplore l'experte, "peut vous priver de la possibilité d'avoir des expériences de rencontres positives d'autant plus que, par la suite, votre esprit risque de déployer tous les scénarios négatifs possibles pour expliquer pourquoi notre partenaire n'a pas encore répondu".
Autant de sources de vulnérabilité auxquelles il est ardu de faire face. Mais pas impossible. Lisa Shull Gettings recommande par exemple de repenser notre rapport aux applis de dating. Diminuer la fréquence de leur usage par exemple (aussi bien le temps dédié que les rencards), si cela suscite en nous de l'anxiété. Prendre de grandes respirations avant un rendez-vous, histoire de ne pas apporter son anxiété avec soi et la propager.
Du côté de Mashable, Kathryn Coduto recommande quant à elle de ne pas prendre avec trop de gravité les phénomènes inhérents à ces applis, comme le swipe ou le ghosting, très banalisés sur ce genre de plateformes. "Il y a tellement de variables en jeu, cela ne devrait vraiment pas être pris personnellement", assure l'experte. Certaines apps cependant, comme Hinge, se basent moins sur un système de "balayage" que d'autres (comme Tinder), mais davantage sur la personnalité des utilisateurs : la professeure en prescrit l'usage.
Idéal, peut-être, pour cajoler davantage sa santé mentale.