Il est 18 heures, vendredi soir. Après une semaine de boulot plus ou moins chamboulée, vient le tour de l'apéro. Ou plutôt de l'apéro vidéo. Skype, Zoom, HouseParty, Messenger ou Whatsapp pour les puristes, deviennent les plateformes d'accueil de nos interactions sociales. Une façon de passer le temps, mais aussi de grappiller quelques échanges bienvenus dans une situation exceptionnelle et incontrôlable. On trouve du réconfort par écrans interposés, quitte à en abuser. Si pour certain·e·s l'initiative est agréable, voire salvatrice, pour d'autres, elle peut devenir étouffante, difficile à gérer. Des moments redoutés d'avance, qui fileraient presque de l'eczéma. Car le planning peut vite devenir chargé, et demander tout autant d'efforts de sociabilisation que des rencontres dans la vie réelle.
Pour celles et ceux qui souffrent d'anxiété sociale, on s'approche presque du parcours du combattant. Plus il y a de fenêtre dans la conversation, plus les symptômes physiques se manifestent : tension, nausée, bouffée de chaleur... La liste est longue et le syndrome peu abordé. Lors d'un entretien avec Stylist, Eugene Farrell, responsable de la santé mentale d'un groupe d'assurance médical, le définit ainsi : "L'anxiété sociale - ou phobie sociale, comme on l'appelle parfois - est la peur ou la crainte d'être jugé·e par d'autres personnes du fait de ne pas satisfaire à leurs normes, d'être gêné·e, humilié·e, ridiculisé·e ou rejeté·e". Des émotions face auxquelles on se trouve souvent impuissant·e, et qui nous paralysent.
Mais, comme à l'extérieur, il existe des petits rituels à adopter pour s'en défaire sans pression, et apprendre à profiter de ces instants calmement.
"Essayez d'identifier les pensées qui sont à l'origine des sentiments que vous éprouvez", conseille l'expert. "Puis, examinez quels faits les étayent - en général, il n'y a pas de faits, juste des sentiments". Il préconise de se détacher des conclusions hâtives que l'on pourrait faire sans fondement et qui nourrissent notre peur des autres. Souvent, on se persuade que "tout le monde nous juge" ou que "personne ne nous aime vraiment", poursuit-il. A tort. La solution : prendre du recul et mettre le doigt sur ce qui nous pousse à ces déductions erronées, et surtout source d'un mal-être restrictif.
Un autre moyen pour venir à bout de ces angoisses : l'auto-encouragement. Inutile de se mettre devant son miroir façon teen movies américains, il suffit de se murmurer quelques paroles bienveillantes. "Je peux le faire" ; "Je suis bon·ne à ce que je fais" : "Les gens m'aiment bien" et toute autre phrase qui nous insuffle un vent de positivité mérité.
Eugene Farrell ajoute que la préparation est aussi la clé. Si on craint les appels vidéos parce qu'on pense qu'on ne saura pas quoi dire - et que cela nous inquiète plus que de raison - on peut préparer quelques lignes de sujets que l'on aimerait évoquer, répéter en amont, noter les questions que l'on voudrait poser.
L'important reste de s'écouter, d'y aller à son rythme. De savoir refuser des rendez-vous digitaux quand on se sent submergé par leur nombre et de se pousser aussi à sortir d'une solitude qui semble confortable, mais qui finit par nous nuire. Et puis, respirer, ne pas se culpabiliser de ressentir ces émotions contraires et complexes. Faire preuve d'indulgence pendant ces semaines d'incertitude qui exacerbent nos sentiments. Les autres sont là pour nous, pas contre nous. Et ils et elles comprendront d'ailleurs davantage nos réactions si on ne les garde pas pour soi.