Je viens d'une famille dans laquelle on est très familiarisé au don. Je donne mon sang régulièrement depuis mes 18 ans, je suis inscrite sur la liste des donneurs de moelle osseuse, toute ma famille est au courant que si je meurs par accident, il faut encourager vivement les secours à piocher allègrement dans mes organes. Pour moi, le don c'est simple et, surtout, c'est la vie. Je vis depuis 18 ans avec un homme merveilleux qui ne serait sûrement plus là s'il n'y avait pas eu quelqu'un qui avait consenti à donner ses organes. Et pour moi, faire un don c'est, en quelque sorte, rendre la pareille et offrir la même chance de bonheur que j'ai eue à quelqu'un d'autre.
Ceci dit, je ne m'étais jamais vraiment penchée sur la question du don d'ovocytes avant 2015. Je l'aurais bien fait plus tôt mais, à l'époque, le don d'ovocytes n'était pas ouvert aux femmes sans enfant et comme j'ai été maman plutôt tard, je ne pouvais pas faire de don. Ce n'est qu'une fois que j'ai eu ma fille que j'ai décidé de faire don de mes ovocytes. Elle n'avait même pas un an à l'époque, par contre, moi j'en avais déjà 36, presque 37. Problème : l'âge limite du don est fixé justement à 37 ans.
Donc à 36 ans 3/4, j'ai contacté le CHU de ma région et j'ai fait du forcing. Au départ, la cheffe de service n'était pas pour : le don demandait du temps (pour les entretiens, le délai légal de réflexion, etc...). Il fallait compter six mois en moyenne, j'aurais donc été trop vieille. J'ai insisté lourdement. Elle a fini par faire passer mon dossier en priorité. Le premier contact a eu lieu en novembre. En janvier, je donnais mes ovocytes. In fine, j'ai réfléchi à mon don une semaine avant de me lancer je pense.
Les raisons de ce don sont multiples. Au-delà du cas particulier de mon compagnon, j'ai aussi voulu donner mes ovocytes parce que nous avons nous-mêmes eu des problèmes à devenir parents. Pendant trois ans, nous avons été suivis en PMA pour une infertilité "idiopathique", c'est-à-dire une infertilité dont nous ne connaissions pas les causes. Dans notre malchance, on a finalement eu beaucoup de chance : il ne nous a fallu qu'une FIV et donc qu'une stimulation hormonale pour que je tombe enceinte.
Pourtant, avant cela, nous avions passé des mois de cabinet en cabinet, de souffrance en souffrance... Quand j'ai eu ma fille, j'ai pensé à toutes ces femmes qui n'avaient pas la même chance que nous, qui avaient une vraie pathologie, qui avaient sûrement eu un, deux, plusieurs échecs de FIV avec toute la médicalisation que cela implique et qui avaient fini par se retrouver sur liste d'attente pour un don. Et qui allaient devoir vivre de nouveaux longs mois d'attente et de tristesse. A ce stade-là, je me suis dit que la moindre des choses que je pouvais faire, c'était le don.
Un don d'ovocytes, ce n'est pas un don du sang. C'est une démarche beaucoup plus engageante, qui demande bien plus d'implication. Il faut d'abord prévoir un premier rendez-vous avec le biologiste pour vérifier les antécédents et la motivation. On procède alors à l'appariement, une méthode qui permet de trouver, parmi les demandeuses, un profil qui correspond au sien.
Il faut ensuite procéder à un premier bilan sanguin pour faire le point sur la réserve ovarienne et faire un check-up complet des maladies qui pourraient entraver le don. Il y a ensuite un délai de réflexion, un rendez-vous obligatoire avec un psychologue pour faire le point sur ses motivations et un nouveau point avec le biologiste pour mettre au point le traitement de stimulation hormonale. On commence alors le traitement hormonal (comprimés, piqûres, échographies...) pour procéder, enfin, à la ponction, qui nécessite une hospitalisation.
J'étais plutôt bien renseignée sur l'ensemble de ce parcours, mais j'ai malgré tout été surprise de la longueur et la complexité du don. On en a pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois et c'est un traitement assez lourd. Quand on est dans une démarche d'AMP (Assistance médicale à la procréation) pour tomber enceinte, on s'en fiche un peu de ces délais et de ces contraintes parce qu'on sait qu'on est enfin dans le concret, on s'approche de l'aboutissement, on en voit le bout, en tout cas c'était mon cas.
Mais quand on fait un don, c'est différent. On ne le fait pas pour soi et toutes les contraintes deviennent tout de suite plus pénibles, le temps paraît plus long. On supporte moins bien le traitement à heure fixe, les piqûres, les effets secondaires potentiels de la stimulation (nausées, migraines...). Faire un don, c'est bien sûr valorisant car c'est utile pour les autres, mais ça peut aussi être parfois difficile et pénible.
Malgré tout, je le referais aujourd'hui les yeux fermés. Si je n'avais pas été trop âgée, je l'aurais fait et refait. Après tout, c'est peu 10 rendez-vous médicaux, 20 piqûres et une anesthésie dans une vie quand, d'un autre côté, potentiellement grâce à toi une, deux, trois familles ou plus pourront être créées et que des couples pourront être soulagés de leur souffrance. Pour moi, ça vaut forcement le coup.
À celles qui aimeraient faire un don d'ovocytes, je conseille de ne pas trop attendre. Plus on attend, plus la qualité des ovocytes se dégrade potentiellement et le risque que cela fonctionne s'amoindrit. Mon autre conseil serait de ne pas trop se poser de questions. Ces cellules ne sont justement que ça : des cellules. Elles ne vous manqueront pas dans votre projet éventuel de parentalité, elles ne vous manqueront pas non plus si vous êtes déjà parents.
Le bébé qui va naître de votre don ne sera jamais le vôtre. Il aura été porté et chéri par une autre femme. Par contre, le bonheur qu'ils vivront, elle, son compagnon/sa compagne et leur bébé, ce bonheur-là, ce sera bien le vôtre. Car, sans vous, il n'aurait jamais été possible.