En Inde, les droits des femmes vont rarement sans les droits des filles : tous deux sont bafoués à l'unisson. Agressions sexuelles, viols, violences physiques, humiliations diverses, sont autant de faits relatés lorsqu'il s'agit de prendre le pouls d'un pays peu connu pour sa lutte contre la misogynie. Cela s'est encore démontré d'ailleurs en mai dernier, suite à la mort de deux jeunes filles. La première avait seulement seize ans. Elle a été poignardée et matraquée en public, à Delhi. Un meurtre capté par des caméras de surveillance.
"La raison d'une telle violence ? La fille de 16 ans venait de mettre fin à leur relation, et l'homme n'aurait pas pu le supporter", relate RFI. L'autre drame a eu lieu le 19 mai dans le district de Surat. Une jeune fille été agressée au couteau des mains de son propre père, qui n'acceptait pas que cette dernière... Souhaite dormir sur la terrasse de leur maison plutôt qu'à l'intérieur.
Dix jours seulement espacent ces féminicides.
Des faits qui ont beaucoup fait réagir à l'international, mettant de nouveau en lumière la situation critique de l'Inde. A la chaine d'informations américaine CNN, l'avocate principale à la Cour suprême du pays Jayna Kothari, très engagée dans les enjeux de genre et de sexualités, a ainsi affirmé que la violence contre les femmes s'était "intensifiée" au cours de la dernière décennie.
Aujourd'hui, la spécialiste du droit tient à alarmer : "Au cours des 10 dernières années, nous avons été témoins de meurtres horribles et d'incidents violents. L'intensité des crime, la fréquence des crimes et la brutalité des crimes ont augmenté. Ils se poursuivent et aucune mesure visible n'est prise. En Inde, les gens ne veulent toujours pas parler de violences conjugales par exemple".
Assertions appuyées par des données du National Crime Records Bureau national, qui rapporte une augmentation des crimes contre les femmes, entre 2011 et 2021... de 87 %.
Auprès du média américain, Jayna Kothari toujours interprète le meurtre d'une jeune fille en plein Delhi, aux yeux des passants, comme la démonstration morbide d'un pays qui banalise les féminicides.
Elle le déplore : "Je pense que la raison pour laquelle l'affaire récente est si choquante est qu'elle s'est produite de manière si flagrante dans un lieu public. C'est presque comme si socialement, les gens ne voyaient rien de mal". L'avocate évoque "une apathie sociétale envers la violence contre les femmes et les filles, ou pire, une acceptation".
Ces violences, plus encore que misogynes, ayant souvent trait aux violences domestiques (du mari, du père, en bref d'un cercle proche cerné surplombé par la domination masculine), peuvent être qualifiées de "patriarcales". Pourquoi ? Car le sort des victimes, tout comme l'inaction alentours, ou ce qu'éprouvent les survivantes, qui hésiteront à parler, s'avère indissociable d'un système qui tend à faire éprouver aux filles et aux femmes de la honte et de la culpabilité. Envers leur corps, leur sexualité, leurs règles, leur propre personne.
"De nombreux cas ne sont pas signalés aux autorités en partie à cause d'une culture du victim blaming, au sein de ce qui reste une société hautement patriarcale", déplore à ce titre la chaîne d'informations américaine.
Une culture de la culpabilité qui s'étend des affaires de violences conjugales aux affaires de viols. L'an dernier, trois soeurs victimes de violences conjugales, Kalu, Kamlesh et Mamta Meena, étaient retrouvées mortes dans la campagne indienne, au fond d'un puits. Sur un message relayé par l'AFP, et émanant de l'une des défuntes, on pouvait lire : "Nous ne voulons pas mourir, mais la mort vaut mieux que les sévices".
Un constat tragique qui en dit long sur les conséquences morbides du patriarcat.