Le scandale concerne plus d'une centaine de femmes musulmanes. Des journalistes et des activistes pour beaucoup opposées au Premier ministre Narendra Modi, qui ont découvert leur photo sur une application baptisée BulliBai, où était simulée leur "vente aux enchères" répugnante, accompagnée d'un "texte dégradant", rapporte The Indian Express. Certaines étaient même présentées comme "l'affaire du jour".
Parmi elles, Fatima Khan, rédactrice pour le site The Print. Auprès de Reporters sans frontières, elle analyse le but derrière une manoeuvre à l'intersection de la misogynie et de l'islamophobie, dans un pays qui connait une forte montée du nationalisme hindou : "Le point commun, c'est que les personnes ciblées sont toutes des femmes musulmanes qui n'ont pas peur de parler. L'idée est de les humilier, et de leur faire comprendre qu'elles n'appartiennent pas à l'espace public."
Et ce n'est pas la première fois qu'une telle plateforme est créée. Il y a à peine six mois, un site qui utilisait le même fournisseur d'hébergement Internet pour le développement de logiciels que BulliBai, GitHub, opérait de façon similaire.
"En juillet, l'année dernière, une application et un site web appelés Sulli Deals avaient créé des profils pour plus de 80 femmes musulmanes – utilisant des photos trouvées en ligne – et les décrivaient comme des 'affaires du jour'", détaille la BBC.
"Sulli" est le terme dénigrant utilisé par les trolls de la droite hindoue pour qualifier les femmes musulmanes, précise le quotidien. "Bulli", comme dans BulliBai, est tout aussi péjoratif.
Au-delà du harcèlement, c'est l'absence complice d'intervention de la part de la justice et des autorités, que dénoncent les victimes. "Il y a eu un déclic après les pseudo mises aux enchères de juillet dernier", se souvient Sayema, animatrice célèbre sur Radio Mirchi, dans les colonnes de RSF. "Et puis plus rien. Des plaintes ont été déposées, mais que s'est-il passé ?" Si à l'époque, une enquête avait été ouverte, personne n'avait été arrêté.
Ce mois-ci, trois suspects, dont un jeune homme de 18 ans et un étudiant en informatique de 21 ans, ont été interpellés et sont actuellement interrogés par la police, informe la BBC.
La journaliste indépendante Quratulain Rehbar, également ciblée par cette plateforme haineuse, aborde quant à elle, toujours auprès de RSF, le sentiment de crainte et d'impuissance qui s'installe. "[Ma mère] m'a encore demandé, récemment, si j'envisageais de faire autre chose, de quitter le journalisme par mesure de sécurité... Tout cela me laisse sans grand espoir."