Beauty Privilege : la vie est-elle plus facile quand on est belle ? Le sujet qui fait débat sur les réseaux

Les femmes considérées comme jolies sont plus facilement embauchées et ont de sérieuses facilités à vivre au sein de notre société. Voilà l'idée derrière l'expression "Beauty privilege", que l'on voit partout sur la Toile.

Mais de quoi parle-t-on ? D'après le dictionnaire américain Urban Dictionary, le privilège de la beauté concerne "une personne qui a plus d'opportunités et qui réussit mieux dans la vie parce qu'elle est attirante." Opportunités professionnelles décuplées, plus grande affection, meilleurs intérêts financiers... ces avantages prétendument reçus par les individus répondant aux normes de beauté sont souvent perçus comme "non mérités".

Un concept que les masculinistes se sont d'ailleurs également approprié, en insinuant que les femmes auraient plus de privilèges que les hommes en société, notamment parce qu'elles sont des femmes (donc jugées attirantes par la gente masculine, qui leur attribue alors des faveurs). L'exemple typique : pouvoir rentrer gratuitement en boîte. 

Mais qu'en est-il vraiment ? Existe-t-il un "beauty privilege" ou ce concept sert-il davantage à discriminer les femmes ? Sur les réseaux sociaux, plusieurs visions des choses s'opposent.

Sur TikTok, certaines femmes estiment que ce privilège existe bel et bien. C'est le cas de cette étudiante de Sciences Po Lille, qui présente son avis dans une vidéo mise en ligne le 14 février.

La preuve, selon elle ? Le marché faramineux de l'industrie de la beauté et celui de la chirurgie esthétique. "Pour la beauté, les femmes dépensent des sommes considérables, je doutes que les femmes feraient ça s'il n'y avait pas de beauty privilege", estime la jeune femme en préambule.

L'étudiante en sciences politiques s'appuie ici sur les travaux du sociologue Jean-François Amadieu présentés dans son livre "Le poids des apparences". Ces recherches "montrent que dans la grande majorité des domaines, que ce soit l'école, la politique, les médias, encore plus dans les domaines visuels, à compétences égales, il faut mieux être beau ou belle", rapporte la jeune femme. 

Elle cite ensuite le livre "Le capital sexuel", de la sociologue Eva Illouz, dans lequel il est écrit que "la beauté est un avantage comparatif sur le marché". Voilà pourquoi l'étudiante insiste : "En tant que femme, en tant que féministe, je ne reprocherais jamais à une autre femme d'utiliser son apparence physique à son avantage, c'est le monde dans lequel on vit." 

Tout le monde n'est pas de cet avis. D'après Nesrine Slaoui, journaliste et autrice de l'essai féministe "Notre dignité", le "beauty privilege" n'existe pas. Elle estime même qu'être considéré comme une belle femme est une discrimination de plus.  

Dans une vidéo filmée face caméra et publiée sur TikTok le 13 février, l'éditorialiste l'affirme : "on dit souvent qu'être belle est un privilège, et ça alimente l'idée que certaines femmes jouent de leur physique pour réussir. C'est faux." 

Selon elle, cette idée n'est qu'une discrimination de plus dont souffrent certaines femmes : 

Les femmes qu'on qualifie de belles, qui se rapprochent des standards de beauté coloristes et grossophobes, sont en fait perçues comme des objets. Elles sont en proie à une grande sexualisation.

Pour appuyer son propos, la jeune femme se base ici sur une étude de 2013 selon laquelle "quand une femme est perçue comme belle, ses accomplissements et ses compétences sont souvent sous-estimées". Par ailleurs, "selon une étude publiée en 2000, la beauté d'une femme est associée à de la superficialité et donc les femmes belles peuvent subir des discriminations à l'embauche." Nesrine Slaoui estime donc que les femmes belles subissent des jugements négatifs, puisqu'elles sont plus facilement "perçues comme plus manipulatrices, jugées comme des tentatrices, des menaces, des voleuses de mari". 

En cause ? "Le patriarcat, qui met un tel poids sur l'apparence des femmes et qui prétend nous classer selon ces critères physiques qui sont problématiques." Résultat ? "On a bien intégré que la beauté est le critère principal attendu de nous, c'est aussi le critère qui nous met en rivalité". En réalité, qui sont les seules personnes avantagées par le "beauty privilege" ? "Les hommes blancs", affirme Nesrine Slaoui en se basant encore sur d'autres études sociologiques. Et la journaliste de conclure : "Ce sont les seuls pour qui l'apparence physique s'ajoute aux compétences et ne vient pas les annuler".