Vendredi 13 et dimanche 15 avril, des milliers d'Indiens et d'Indiennes ont défilé dans les rues de New Delhi, de Bombay, de Bangladore et de Calcutta pour protester contre les violences faites aux femmes. Ces manifestations font suite à deux agressions, dont une survenue en janvier dans l'État du Jammu-et-Cachemire où Asifa Bano, une fillette âgée de 8 ans a été séquestrée, torturée et violée pendant 4 jours d'affilée avant d'être tuée par des hindous nationalistes radicaux, en raison de ses origines musulmanes.
L'autre affaire, tout aussi terrifiante, a également choqué tout le pays. Il s'agit d'un viol perpétué sur une jeune femme de 16 ans en juin dernier. Le père de cette jeune fille est décédé la semaine dernière, alors que ce dernier était placé en détention policière. La jeune femme, qui a tenté de s'immoler devant la résidence du ministre en chef de l'État, accuse la police d'avoir torturé son père car ce dernier comptait continuer les poursuites contre l'auteur du viol. Pour crier leur indignation, les Indiens ont défilé dans les rues avec des pancartes barrées de lettres rouges : "Mettez fin à la culture du viol, sortez les violeurs du parlement."
Le gouvernement indien est en effet directement impliqué dans les deux affaires : c'est un député de l'Uttar Pradesh qui est accusé d'avoir commis le viol sur la jeune femme de 16 ans. Le politicien appartient au Bharatiya Janata Party, parti nationaliste hindou actuellement au pouvoir depuis l'élection du premier ministre indien Narendra Modi en 2014. Concernant le meurtre d'Asifa Bano, 4 de ses 8 agresseurs arrêtés étaient des policiers. Tous ont été soutenus par des ministres régionaux.
Surnommé "pays du viol" par les médias occidentaux, l'Inde est l'un des endroits du monde qui enregistre le taux d'agressions sexuelles et de crimes sexuels le plus élevé. En février dernier, le pays était sous le choc après qu'un nourrisson de 8 mois a été violé et hospitalisé pour blessures graves. Comme le rapporte la BBC, le Bureau national du crime recense 19 675 viols d'enfant en 2016, soit 82% de plus qu'en 2015, où 10 854 cas ont été enregistrés.
En décembre 2012, le viol collectif d'une jeune femme dans un bus à New Delhi avait également plongé le pays dans un profond état de consternation. Après cette tragique affaire, l'Organisation des Nations Unies a demandé d'organiser un "débat d'urgence" sur les agressions sexuelles faites à l'encontre des femmes. Le gouvernement indien avait ensuite diffusé des campagnes de prévention et renforcé les sanctions pénales à l'encontre des agresseurs sexuels.
Or, "c'est le contraire qui se passe", affirme l'écrivaine Anuradha Roy dans une tribune publiée par le site américain The Wire. "Qui d'entre nous n'a pas d'amis qui ferment les yeux sur l'amoralité brutale du régime au pouvoir, considérant ce dernier comme le mieux à même d'assurer son salut à l'Inde ?", dénonce-t-elle.
Dévoilé début 2018, le rapport de criminalité 2017 en Inde faisait mention de baisses du nombre de plaintes pour viol dans la ville de New Dehli. Symbolique certes, puisque cette baisse (2 049 plaintes enregistrées) représente 1% comparé à l'année précédente. Si les plaintes sont moins nombreuses, les violences à l'encontre des femmes font en revanche l'objet de sanctions beaucoup moins sévères qu'il y a 4 ans, rappelle RFI. En effet, seul 1 accusé de viol sur 4 est désormais condamné par la justice en Inde, contre 1 sur 2 avant l'élection de Narendra Modi.