Elles sont une quinzaine de mannequins à accuser l'ex-patron de l'agence Elite Europe, Gérald Marie, de viols et agressions sexuelles, dont certaines mineures au moment des faits. Parmi elles, Ebba Karlsson, Shawna Lee, Lesa Amoore, Jill Dodd et Emily Mott, qui se rencontraient pour la première fois lors d'une conférence de presse tenue à Paris les 2 et 3 septembre derniers, aux côtés de Carré Otis.
L'ancienne top y a lancé un appel poignant. Aux plus récentes victimes de l'agresseur présumé, à celles qui ne se sont pas encore exprimées, elle a invité : "Rejoignez-nous !".
Le matin même, elle était entendue par la Brigade de protection des mineurs (BPM) dans l'enquête préliminaire ouverte en septembre 2020, après la plainte de Lisa Brinkworth, ancienne journaliste de la BBC, qui témoignait de viols et agressions sexuelles sur mineur. "Etre ici en France et témoigner auprès de la police française est si significatif pour moi", a confié l'ex-top model. "Il est temps que cet homme rende des comptes pour ses crimes".
Ses crimes, ce sont d'"innombrables viols", qu'elle a décrits auprès des autorités, en larmes. "J'étais jeune, seule et dans un pays étranger, sans famille ni réseau pour me soutenir. Je dépendais de M. Marie pour ma nourriture, mon logement et mon travail. Je savais que j'avais à supporter ces abus pour pouvoir continuer à travailler. J'ai été profondément traumatisée", relate l'AFP. Un terrible récit qui n'est pas isolé, et que les autres mannequins aussi, livrent actuellement à la police française.
"On espère attirer des victimes plus récentes, ne serait-ce qu'une seule", a de son côté insisté l'avocate de plusieurs d'entre elles, Me Anne Claire Le Jeune. Le but : pouvoir entamer des poursuites. Car pour la plupart des plaignantes, les faits pourraient être prescrits par la justice française, souligne l'AFP. D'après la magistrate, "plusieurs témoins, et notamment d'anciens dirigeants d'Elite, ont été entendus et ont corroboré les faits décrits par les victimes".
Parmi les voix qui s'élèvent en faveur des victimes, l'ex-femme de Gérald Marie, la top-model Linda Evangelista, qui assure "croire" les femmes qui libèrent leur parole. Et plus récemment, l'ex-Première dame et mannequin Carla Bruni, qui, par l'intermédiaire du New York Times, a apporté son soutien public aux "survivantes". "Trop, c'est trop. Je suis aux côtés de Carré et des autres survivantes de Gérald Marie qui viennent à Paris pour témoigner contre leur agresseur. Aucune industrie n'est à l'abri des abus sexuels."
Carla Bruni attire également l'attention sur les conditions de travail des plus jeunes dans le milieu, souvent vulnérables à cause de l'éloignement avec leur famille. "Il y a tant de travail à faire en France et dans le monde pour que les femmes soient protégées des violences sexuelles au travail".
Une mobilisation qui accompagne les prises de position de ses consoeurs Helena Christensen, Paulina Porizkova et Karen Elson, encouragée par Model Alliance, premier syndicat de mannequins à but non lucratif, rapporte le magazine américain.
"Carré a été violée et victime de la traite à l'adolescence il y a trente ans, et je sais que des abus similaires ont encore lieu dans le secteur aujourd'hui parce que nous entendons des mannequins actuels via notre ligne d'assistance", s'indigne auprès du Times, Sara Ziff, fondatrice de l'organisme qui apporte entre autres un conseil juridiques aux victimes de l'accusé.
De son côté l'avocate de Gérald Marie, Me Céline Bekerman, a précisé que son client "dément avec consternation ces allégations mensongères et diffamatoires". Si, pour cause de prescription, son procès pourrait ne pas avoir lieu, une chose demeure certaine : le #MeToo de la mode est en marche.