L'amnésie traumatique désigne la période durant laquelle une victime n'a pas conscience ou connaissance des violences qu'elle a subies. On parle également de "troubles psychotraumatiques". Voilà une réalité médicale qui a fait l'objet de bien des recherches depuis les années 80, mais se voit toujours autant ignorée par la loi française. C'est pour cela que de très nombreuses voix se libèrent sur Twitter à travers un hashtag : #MeTooAmnesie.
"J'avais cinq ans quand j'ai été violée par un médecin. Amnésie de 45 ans : une vie à se souvenir de quelques choses, très désagréable, associées à une douleur vaginale. Jamais porté plainte", "Violée à partir de 5 ans, amnésie traumatique jusqu'à 45 ans et toujours une mémoire très fragmentée car elle ne revient pas d'un coup de baguette magique. Des flashs, des sensations, des peurs...Il faut du temps pour accepter, parler. Oser parler", peut-on ainsi lire au gré de publications poignantes.
"Les amnésies traumatiques complètes ou parcellaires sont un trouble de la mémoire fréquent que l'on retrouve chez les victimes de violences. Ces amnésies sont des conséquences psychotraumatiques des violences dont les mécanismes neuro-psychologiques sont une dissociation de sauvegarde", décrypte la psychiatre Muriel Salmona dans un document de référence : L'amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre.
L'experte nous rappelle également que l'amnésie traumatique peut concerner "jusqu'à 60 %" des victimes de violences sexuelles. Considérable. C'est dire si ce phénomène doit être considéré comme il se doit.
Dans ce document, Muriel Salmona souligne que l'amnésie traumatique puise sa source dans le stress intense vécu par la victime lors des violences, un stress qui enclenche par la suite lesdits "mécanismes neurobiologiques de sauvegarde", entraînant une "anesthésie émotionnelle et physique". Un système psychique complexe qui, finalement, "fait disjoncter les circuits émotionnels et ceux de la mémoire, et entraîne des troubles dissociatifs et de la mémoire". D'où l'amnésie traumatique.
Une situation dont rendent compte une multitude de témoignages. "Violée à 5 ans par un cousin de 39 ans pendant des vacances d'été. 32 ans d'amnésie. Ma plainte a été classée sans suite en raison de la prescription", "Violée à 14 ans 20 ans d'amnésie traumatique, j'ai porté plainte, plainte qui n'a jamais été instruite du fait de la prescription", peut-on lire sur Twitter. Selon une enquête de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie relayée en 2015, plus d'un tiers (37%) des victimes de violences sexuelles mineur-e-s au moment des faits rapportent "avoir présenté une période d'amnésie traumatique après les violences", rapporte encore Muriel Salmona.
Dans sa recherche, Muriel Salmona détaille encore toute la violence de l'amnésie traumatique... et de ce qui généralement lui fait suite : "Quand l'amnésie se lève, les souvenirs traumatiques reviennent le plus souvent de manière brutale et envahissante sous la forme d'une mémoire traumatique fragmentée, non contrôlée ni intégrée (flash-backs, cauchemars), faisant revivre les violences à l'identique avec la même détresse et les mêmes sensations", explique ainsi la psychiatre. Une bonne façon de saisir le désarroi des principales concernées.
Que la loi française révise la prescription des faits en prenant en compte cette longue période d'amnésie, voilà le combat des bien des victimes aujourd'hui. "J'avais 9 ans. Amnésie des viols pendant 40 ans. Les violeurs savent que leurs victimes oublient et les laisseront tranquilles. Mais pourquoi leur laisser l'exclusivité de l'amnésie traumatique ? Pourquoi la loi ne s'en empare t'elle pas ?", s'interroge en ce sens une internaute. A bon entendeur.