Après des années de silence, la championne de patinage artistique Sarah Abitbol a pris la parole. Elles sont plusieurs sportives de haut niveau à avoir témoigné de violences sexuelles dans ce milieu.
Ce jeudi 30 novembre, la multimédaillée européenne et médaillée de bronze mondiale de patinage artistique en couple publie aux éditions Plon un livre intitulé Un si long silence. Elle a aussi pris une seconde fois la parole au micro de France Inter. Auprès de Léa Salamé, elle témoigne ce jeudi 30 janvier de "l'amnésie traumatique" qu'elle a vécue, un phénomène bien connu des psychiatres.
Pendant plus de dix ans, Sarah Abitbol n'a eu aucun souvenir des événements qui se sont déroulés entre ses 15 et 17 ans et à propos desquels elle s'est longuement confiée à L'Obs, à savoir, les viols qu'elle aurait subis à plusieurs reprises de son entraîneur, Gilles Beyer.
"J'ai fait de l'amnésie traumatique. C'est resté dans un coin de mon cerveau, le cerveau se protège des misères de l'enfance et c'était tellement fort, tellement répugnant, en fait, que le cerveau met ça de côté, et pendant plus de dix ans, effectivement, j'ai complètement oublié cet événement", souligne-t-elle. "Je le croisais d'ailleurs dans les couloirs mais je n'avais absolument aucune réaction."
L'amnésie traumatique est un phénomène psychologique très fréquent chez les victimes de violences sexuelles, d'autant plus si celles-ci ont lieu pendant l'enfance. "59,3% des victimes de violences sexuelles dans l'enfance ont des périodes d'amnésie totale ou parcellaire", avance dans son livre Violences sexuelles la psychiatre Muriel Salmona, présidente de l'association Mémoire traumatique.
Un phénomène qui, explique-t-elle, peut durer "de nombreuses années, voire des décennies", "jusqu'à 40 ans et même plus dans 1% des cas".
Jusqu'en 2002, à la veille du lancement des Jeux olympiques de Salt Lake City, la championne ne se souvient de rien. Elle avait alors 26 ans. À ce moment-là, elle se rompt les tendons d'Achille. Elle dit avoir un flash.
"Le corps a parlé en premier, parce qu'avoir une rupture des tendons d'Achille à 24 heures des Jeux olympiques, sur place, il n'y a pas pire pour un sportif de haut niveau. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait, j'ai été très très mal, parce qu'avec Stéphane Bernadis on a travaillé toute notre vie pour cette médaille olympique (...) Tout était possible", se souvient-elle.
Comme l'explique Muriel Salmona, les souvenirs traumatiques "réapparaissent le plus souvent brutalement et de façon non contrôlée 'comme une bombe atomique', avec de multiples détails très précis et accompagnés d'une détresse, d'un sentiment d'effroi, de sidération et de sensations strictement abominables".