2020 débute à peine et pourtant, on dénombre déjà pas moins de 5 féminicides en France. Et alors que les tragédies se suivent et se ressemblent (trop), l'année nouvelle nous renvoie également aux bilans - dramatiques eux aussi - de celle qui la précède. Et donc aux chiffres du ministère de l'Intérieur, qui nous l'affirme aujourd'hui : 2019 ne fut pas seulement l'année de la hausse des féminicides, elle fut aussi celle des violences sexuelles. En un an, ces violences ont effectivement augmenté de 12 %. Un chiffre considérable.
Plus précisément, c'est au service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) que l'on doit ce fort pourcentage, évoqué dans le rapport "Insécurité et délinquance" mis en ligne ce 16 janvier. 12 % d'agressions en plus par rapport à 2018, c'est énorme. Cela signifie pas moins de 54 100 faits de violences enregistrés dans l'Hexagone. Et lorsqu'il est question de "violences", il faut prendre en compte de nombreuses "catégories", qui témoignent des oppressions systémiques faites aux femmes.
Car cette augmentation doit être reliée au taux de viols enregistrés dans le pays, à raison d'une recrudescence de 19 % par rapport à 2018. Mais elle a également trait au harcèlement sexuel, par exemple. Concernant les cas de harcèlement pris en compte, leur taux a augmenté de 8 % en une année seulement. A cela, il faut encore ajouter les faits de coups et blessures volontaires sur personne de 15 ans et plus (progressant également de 8%) et les vols sans violence, augmentant quant à eux de 3 %. "Dans le sillage de la hausse observée au niveau national, toutes les régions françaises ont connu des augmentations du nombre de viols, agressions et harcèlements sexuels enregistrés par les forces de sécurité en 2019", poursuit le rapport officiel.
Ce sont des chiffres qui affolent. Suite à une année riche en protestations citoyennes et en libération de la parole (féminine), on a jamais autant parlé, dans les médias et l'espace public, "d'emprise", d'agressions sexuelles, de féminicides et de culture du viol. Les consciences s'éveillent. Pourtant, la situation nationale semble empirer. Si l'on creuse un peu, ce bilan du ministère de l'Intérieur cache cependant certains faits un brin plus positifs. Selon ce rapport gouvernemental, ces chiffres démontrent avant tout qu'en 2019, les victimes d'agressions ont davantage osé déposer plainte dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie.
"Cette hausse peut s'expliquer notamment par un effet positif du Grenelle des violences conjugales, lequel a pu inciter les victimes à davantage déposer plainte", s'enthousiasme le rapport. Cette amélioration, ce bilan factuel la met en relation avec celle des "conditions d'accueil des victimes par les services de sécurité". Une supposition qui n'a rien d'anodin. Rappelons effectivement que le dépôt de plainte représente une étape douloureuse pour les victimes, en partie car cette "confrontation" implique souvent "un discours culpabilisant à l'endroit des femmes", déplore chez France Inter l'avocate au barreau de Nantes Anne Bouillon.
Car contrairement à ce que semble appuyer ce rapport, pour qui cette augmentation des dépôts de plaintes s'expliquerait par un meilleur accueil des victimes (et par l'instauration en septembre 2019 du Grenelle initié par Marlène Schiappa), le suivi des plaintes pour viols et agressions est toujours aussi problématique en France. L'an dernier encore, on apprenait que 80% des plaintes pour violences conjugales sont classées sans suite.
C'est un pourcentage alarmant. Et qui démontre, comme l'énonce la ministre de la Justice Nicole Belloubet, que la chaîne pénale "n'est [toujours] pas satisfaisante". Des insuffisances que sont censées combler les mesures du Grenelle, justement. Mais qu'en sera-t-il réellement en 2020 ?
- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit 7 jours sur 7, de 9h à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h les samedi, dimanche et jours fériés.
- En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.