
"J'ai pu être lourd, c'est évident"
Gilles Lellouche, Jean Dujardin, Jean-Paul Rouve et Pio Marmai étaient à l'Assemblée nationale lundi 10 mars dans le cadre de la commission d'enquête présidée par Sandrine Rousseau, sur les violences sexistes et sexuelles dans la culture, impulsée par Judith Godrèche, après qu'elle ait déposé plainte pour viols sur mineure contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon.
Aucune accusation de violences ne pèse sur ces acteurs, superstars du cinéma français. Ces derniers ont cependant demandé à ce que la réunion se déroule sans caméras, autrement dit, en huis clos (ce fut aussi le cas pour certaines comédiennes). L'idée ? "Faire un état des lieux des violences commises sur des majeurs". Commission. où ont pu être déjà entendues Juliette Binoche, Virginie Efira, Nina Meurisse, Noémie Merlant, Anna Mouglalis. On vous en a régulièrement fait part sur Terrafemina.

Pierre Niney avait reçu une invitation mais n'a pas participé à cette audition.
Et aujourd'hui, les propos des stars ont été révélés... Qu'ont à dire les acteurs ?
Face à Sandrine Rousseau et à l'heure de la prise de conscience, la plupart reconnaissent avoir observé des attitudes inappropriées, ou avoir eux-mêmes pu être "lourds".

Pio Marmaï : "Je pense que j’ai pu être lourd dans ma façon de signifier les choses". Gilles Lellouche : "Si je dois faire une radioscopie de mes comportements, c’est sûr que j’ai dû être lourd; c’est évident". Jean Dujardin : "Je suis d’accord: il y a forcément des choses que nous avons loupées sur les plateaux. Évidemment. Des lourdeurs. Des choses qui nous semblaient totalement anodines". Des propos rapportés par Le Figaro.
Gilles Lellouche relate notamment un échange avec une actrice, témoignant d'un comportement d'un cinéaste s'apparentant à du harcèlement sexuel. Il explique : "Il est arrivé qu’une jeune comédienne me dise que le réalisateur venait frapper à sa porte le soir, quand ils étaient en tournée en province. À cette époque, j’en ai parlé au réalisateur en me foutant de sa gueule – ce qui n’était pas forcément la bonne attitude"
"...parce que je commençais à travailler, parce qu’il avait une autorité que je n’avais pas, peut-être par crainte, parce qu’on n’ose pas affronter le réalisateur, qui est le grand dieu du plateau. Je me souviens de l’avoir fait en le charriant, en mettant cela sur le compte de l’humour, en essayant de le piquer un peu au vif. Aujourd’hui, ce serait extrêmement différent".

"À mon époque, non seulement il n’y avait pas de formation, mais il n’était pas même fait allusion à ce qui allait arriver dans nos vies d’actrices et d’acteurs. Jamais on ne nous a alertés sur les dangers qui surviennent lors des castings ou dans le quotidien d’un tournage qui dure dix jours ou deux mois"
Des mots éloquents. Pourquoi ?

Car ce dont témoignent ces prises de parole, c'est d'une certaine omerta, et d'une forme de boys club, ou solidarité masculine faisant système, palpable dans une sphère patriarcale. Ou tout du moins, d'une crainte des représailles, de pressions professionnelles qui incitent, dans un milieu finalement très clos, à dédramatiser, minimiser, si ce n'est banaliser, ces formes de violences, afin de perdurer dans le "milieu".
Relation qui se banalise, des acteurs à la figure sacrosainte du metteur en scène.
Si ces comédiens, selon leurs dires, n'auraient pas tous assisté à des instants aussi problématiques, ils ne nient pas la réalité du harcèlement sexuel dans le milieu du cinéma. Laquelle serait cependant très minimisée, réduite à l'état d'euphémismes, de rumeurs voire de "blagues".

"Aucune copine comédienne ne m’a jamais dit, au sujet d’un tournage, que tel metteur en scène ou tel comédien était lourd. Ce qu’on entendait, c’était: “Lui, il est un peu dragueur”. Mais je ne pouvais pas imaginer ce qu’elles subissaient, ni jusqu’où ça pouvait aller", atteste de son côté Jean-Paul Rouve. "En tant qu’homme, je savais ; je me disais « il y a des mecs qui sont lourds, qui draguent les meufs, etc., mais je ne pensais pas que c’était à ce point-là"
Et Jean Dujardin de renchérir : "On ne voit pas forcément tout - et on n’a peut-être pas envie de voir. Je pense que le mouvement MeToo aura été utile de ce point de vue là. Généralement, quand je rencontre un metteur en scène, je lui pose une question un peu crue, qui permet de péter tout de suite une façade : ’Est-ce que t’es un connard ?’..."
"Je veux juste savoir si je vais être témoin de scènes gênantes, humiliantes. Je n’ai pas envie de ça. Et, généralement, cela n’arrive pas : la personne n’est jamais désagréable, peut-être parce qu’elle sait que ça peut sortir".
Une méthode... Curieuse.