Elles sont 7 à témoigner auprès de Mediapart des violences psychologiques ou sexuelles dont elles accusent l’acteur Thomas Scimeca. Lui a 49 ans, est une figure du théâtre d’improvisation et est plus connu pour ses rôles dans la série HPI, avec Audrey Fleurot, ou Le Flambeau, avec Jonathan Cohen. Elles, actrices, techniciennes ou comédiennes, évoluent toutes dans l’univers aussi violent que pailleté du théâtre ou du cinéma. Presque toutes, 6 parmi les 7 qui ont témoigné, étaient également beaucoup plus jeunes que l’acteur au moment des faits. Entre 17 et 21 ans de moins que lui. Toutes décrivent un homme insistant, qui n’entend pas le "non" au mépris du consentement, met en place "des mécanismes d’inversion de culpabilité", les insulte parfois, les suit ou rôde en bas de chez elles. Le portrait d’un homme violent que l’on connaît malheureusement trop bien. Et au bingo de la masculinité toxique, Thomas Scimeca semble cocher toutes les cases.
Deux des 7 femmes qui ont livré leurs récits à Mediapart ont porté plainte contre l’acteur à ce jour. Solène Rigot l’accuse de "violences habituelles" sur conjointe et de "harcèlement". Les faits auraient eu lieu entre 2016 et 2019, période à laquelle elle aurait été en couple avec Thomas Scimeca par intermittence. Au moment où ils se mettent ensemble, il a 40 ans et elle n’en a que 23. Elle raconte notamment le "harcèlement moral" qu’elle aurait subi à l’automne 2017 après avoir lui annoncé qu’elle souhaitait avorter. "Comme si ce n’était pas mon corps mais le sien", confie-t-elle. Elle avortera finalement à l’hôpital, soutenue par une proche.
Jeanne Faucher accuse l’acteur d’une "tentative de viol" survenue en 2015. Elle avait 22 ans et lui 39. Pourtant, les faits qu’elle décrit, notamment le fait qu’il aurait "soulevé sa robe" pour lui "imposer un cunnilingus" pourraient être qualifiés de viol. À ce sujet, Gabrielle Milon, l’avocate des deux plaignantes précise : "Depuis avril 2021, tout acte bucco-génital imposé est un viol, mais la loi pénale n’est pas rétroactive (ici, les faits étant de 2015). Dans la plainte, je suggère donc au procureur la qualification de tentative de viol, puisque le cunnilingus et la sortie du préservatif sont des éléments du commencement d’exécution du crime."
Si Jeanne Faucher a décidé de s’emparer de la justice 9 ans après les faits, elle explique que c’est par dégoût. "Je veux parler parce que, quand je le vois dans des films ou des séries, je suis dégoûtée, écrit-elle dans le texte rédigé pour préparer sa plainte. Parce que c’est insupportable de voir qu’il continue à être mis en valeur par des artistes." Un sentiment partagé par Solène Rigot, précise Mediapart.
Invité par Mediapart à répondre aux accusations dont il fait l’objet, Thomas Scimeca a accepté de s’entretenir avec le média pendant pas moins de trois heures trente. Il a finalement refusé d’être cité et s’en est expliqué. "Je subis depuis plusieurs mois les conséquences de ces rumeurs infondées à mon sujet. Je ne peux que dénoncer cette façon de procéder. Les faits tels qu’ils sont rapportés sont très éloignés de la réalité et je m’expliquerai devant la justice si j’en ai un jour l’opportunité", rapporte le média d’enquête.
Une fois n’est pas coutume, certains membres actifs de l’univers, on le répète, aussi violent que pailleté du cinéma, auraient déjà pris leur distance avec Thomas Scimeca. Parmi eux, Judith Godrèche. L’actrice, qui a porté plainte pour viol contre le réalisateur Jacques Doillon et s’illustre dans la lutte contres les violences sexuelles sur mineurs dans le milieu du cinéma, a dirigé l’acteur dans sa série "Icon of French Cinema", diffusée sur Arte. Et s’il peut paraître surprenant de voir son nom associé à cette affaire, elle explique qu’à "l’époque du tournage, personne ne s’est plaint" à elle de l’acteur. Mais "avertie" de ses agissements début 2024, elle a "accueilli ces paroles" et pris totalement ses "distances avec lui".
Même son de cloche du côté d’Elisabeth Tanner, l’agente qui a inspiré le personnage d’Andréa dans la série Dix pour cent (France 2) et qui a cessé de représenter Thomas Scimeca début 2024. "J’ai été informée de plusieurs témoignages et le doute n’a pas profité ici à l’accusé, je suis trop sensible à ces questions-là pour avoir le moindre doute."
Les violences sexistes et sexuelles sur les plateaux de tournage sont, et on s'en réjouit, de plus en plus exposées au grand jour. Et cela partout à travers le monde. Outre-Atlantique, les actrices aussi prennent la parole, comme Sofia Bush. La star des Frères Scott dénonce depuis des années dans son podcast "Inside of You" les faits et gestes les plus problématiques (doux euphémisme). Comme ceux du créateur des Frères Scott, Mark Schwahn. Une libération de la parole des femmes emprunte de sororité que les victimes présumées de Thomas Scimeca ont aussi ressenties entre elles. "À nous toutes, on dénoue une espèce de mécanisme de perversité", témoigne l'une d'entre elle.