Ce sont des photos qui pullulent sur Instagram et Facebook. On y voit de jeunes garçons torse nu poser avec une pancarte. Et sur cette pancarte est écrit : "Chers Facebook et Instagram, je suis un garçon. J'ai juste de longs cheveux. Arrêtez de supprimer mes photos !". Et oui, cela fait plusieurs semaines que ces réseaux sociaux jugent inadéquates les photographies de ces garçons à la poitrine découverte, considérées à tort comme des "topless" féminins. Des torses dénudés qui violeraient le règlement desdits sites. Alors que non.
L'indignation éclot avant tout des mères, surprise de voir les portraits de leurs fils interdits pour cause de poitrine non-couverte. Et surtout étonnées, bien sûr, de comprendre qu'Instagram "féminise" automatiquement leurs enfants... juste parce qu'ils ont les cheveux longs. Comme si cela devait être l'apanage des petites filles. Mais en vérité, cette situation est plus complexe qu'un simple quiproquo bien sexiste comme il faut.
C'est d'ailleurs ce qu'explique Tori, l'une de ces mères de famille, à Buzzfeed News. Les photos de son fils Parker, âgé de quatre ans, sont "dans le viseur" d'Instagram et Facebook depuis plus d'un an. Parker adore se balader torse nu sur les plages de Floride, et sa mère adore immortaliser ces instants. Mais l'algorithme d'Insta en est beaucoup moins fan. Après avoir mis en ligne quelques clichés, Tori a commencé à recevoir des avertissements. Plusieurs de ses photos ont été signalées. La raison ? Instagram et Facebook considèrent que son contenu est "sexuel" et offensant. Les avertissements se sont par la suite accumulé. Puis les interdictions de connexion (de plus en plus longues) ont suivi. Tori était tout simplement "bloquée". Et enfin s'est profilée la suppression de compte. Prévisible. Mais aberrante.
Aberrante, car ces photographies familiales ne sont en aucun cas "hors la loi". Comme le précise encore Buzzfeed, Instagram et Facebook interdisent dans leur règlement "les photos d'organes génitaux et d'enfants déshabillés au-dessus de l'âge du bambin", ainsi que "les mamelons féminins" (quel que soit l'âge). Or, rien de cela n'est visible dans le portfolio du jeune Parker. D'où la frustration de Tori, qui n'a pas hésité à contacter Instagram et Facebook. Sans surprise, leurs réponses se font encore attendre.
Instagram a tenté de fournir quelques explications à Buzzfeed : selon le réseau social, ces suppressions aléatoires visaient avant tout "à protéger les enfants". Pour des raisons de sécurité, développe la société, il est préférable de supprimer "certaines images montrant des enfants nus ou partiellement nus". Après tout, le compte de Tori était suivi par des milliers de followers : comment connaître les intentions de chacun de ces internautes anonymes ?
La protection des enfants et adolescents - de leurs données à leur image - demeure un véritable enjeu numérique (et parental). Difficile de jeter la pierre au réseau social lorsque ce dernier nous rappelle que, non, ce n'est pas très malin de flasher ses enfants et de relayer ses photos de famille pour aligner les likes. C'est d'ailleurs ce que nous explique Glamour dans une tribune intitulée : "Non, je ne publierai pas de photos de mon enfant sur les médias sociaux !".
Cependant, s'il y a bien une chose que ce phénomène de suppression révèle, c'est l'efficacité (foireuse) des robots employés par Facebook et Instagram afin de détecter les tétons féminins, puisqu'ils se révèlent incapables de différencier un sexe de l'autre - les cheveux longs étant, a priori, exclusivement féminins. Une vision extrêmement stéréotypée à laquelle réagissent de nombreux parents sur la Toile. Au fil des publications, les mots-clés se multiplient pour plaider la cause de ces garçons bannis. Tels le hashtag #longlivelonghairedboys (longue vie aux garçons aux cheveux longs) ou le contestataire #longhairedboyrevolution : la révolution des garçons aux cheveux longs. Les prémices d'un mouvement ?
D'aucuns encore, comme cette mère de famille anonyme, perçoivent en cette censure systématique "un moyen de sexualiser les enfants". "Depuis quand le corps d'un enfant est-il inapproprié ?", s'interroge la maman. Et si, sous prétexte de protection, Instagram "pervertissait" ou "sexualisait" ce qui ne l'est pas ? Une énième interrogation qui démontre à quel point ce souci des "garçons aux cheveux longs" dépasse le stade du chic capillaire.