Un prénom porte toujours en lui une histoire, personnelle et globale, gorgée d'une symbolique stimulante. Un sens qui échappe volontiers à celui ou celle qui le porte. Bad news : il se pourrait même que celui/celle-ci déteste le blaze qu'on lui a assigné. Mais qu'il soit approuvé ou non, le prénom reste une forme de transmission : un héritage familial, culturel, éclot de références bien précises ou d'hommages généalogiques. Et puis il arrive également que le prénom dit "parfait" soit un pur produit de notre inconscient.
Parfois cependant, fruit d'une longue réflexion, le choix d'un prénom se joue au coup de coeur, à la révélation, en fonction des figures et oeuvres qui ont fait de nous ce que nous sommes. A ce titre, les prénoms traditionnellement féminins qui "en jettent grave" ne manquent pas. Des prénoms qui sonnent bien, inspirent, perdurent ou ressuscitent d'une génération à l'autre, enthousiasment rien qu'à l'écoute. Et qui, en plus de leur musicalité naturelle, s'avèrent être spontanément évocateurs. En voici huit, intensément girl power, qui pourraient bien vous convaincre - ou vous donner quelques petites idées. En attendant de vous aiguiller très bientôt au sujet des prénoms traditionnellement masculins tout aussi "girl power" bien sûr.
On aime parce que : C'est un prénom qui dégage une classe considérable. Impossible de ne pas penser à Thelma et Louise, le road movie féministe de Ridley Scott. Et cette Thelma Dickinson qui finira par faire le grand saut en compagnie de sa consoeur de toujours, Louise Sawyer. Deux destins de femmes tragiques. Bonnie et Clyde faisaient équipe, Thelma et Louise aussi.
...Mais on hésite avec : Louise donc, histoire d'être logique. Puis c'est un blaze qui semble ne jamais se démoder - mieux encore, il se réinvente. Et ce malgré son écrin désuet, qui contribue tout autant à son indéniable charme. En cela, il confine quasiment à l'atemporel. Et suscite volontiers l'adhésion. Enfin, il sonne comme Louisa, c'est à dire Louisa May Alcott, l'autrice des Quatre filles du Dr March, dont la dernière transposition ciné a pour vedette Emma Watson. Atemporel on vous dit !
On aime parce que : La simplicité apparente de ce prénom à deux syllabes qui se lit comme "Amour" séduit aussitôt. Puis sous cet attrait sonore s'érige un mythe. Quiconque s'intitule Romy est comme épaulée (à la manière d'un ange gardien) par l'ombre bienveillante de l'immense Romy Schneider. Preuve que ce prénom résiste à l'usure du temps, l'enfant de la chanteuse canadienne Coeur de Pirate se dénomme elle aussi Romy. L'artiste a pour habitude de relater ses réactions, punchlines et introspections sur son compte Twitter. Et chaque anecdote vaut son pesant d'or. Romy est le prénom des vedettes.
...Mais on hésite avec : Romane. Un prénom d'une rare élégance qui nous renvoie à bien des choses : roman, romance, romanesque...Une Romane est forcément une belle histoire.
On aime parce que : les prénoms à trois lettres portent en eux quelque chose de magique. Ils font immédiatement sens, se lisent en un seul jet, sans entrave ou expiration de trop. Lou est un blaze à la saveur très générationnelle, tel que nous le démontre la série de bande dessinées à succès du même nom. Au fil des tomes écrits par Julien Neel, l'on suit les pérégrinations et songes d'une collégienne amoureuse. Une oeuvre d'une grande justesse. Oh et puis Lou, comme Camille, est un prénom épicène. Parfait pour s'attaquer à un cloisonnement des genres qui ne demande qu'à être chamboulé.
...Mais on hésite avec : Éléonore. La porte ouverte aux dérivations les plus épurées et collégiales (Lola, Lolo...) mais surtout, en l'état, un prénom d'un chic si intense qu'il en est presque royal.
On aime parce que : Plus que le destin funeste - et funèbre - du paquebot sur lequel elle danse, tombe amoureuse et se révolte, c'est sa jubilatoire émancipation qui a marqué au fer rouge notre adolescence : nous parlons bel et bien là de Rose DeWitt-Bukater, l'héroïne du Titanic de James Cameron, emblème incontournable du girl power.
Mais la rose en général est, de toute évidence, un symbole féministe - n'en déplaisent à ceux qui n'y voient qu'un bouquet à offrir à la Fête des Mères. La "rose", c'est Rosie la Riveteuse, cette ouvrière bien connue au bandana rouge et au biceps fier, qui nous défie du regard. A l'origine, une affiche de propagande diffusée durant la Seconde Guerre Mondiale. Puis réappropriée trente ans plus tard par les mouvements féministes comme signe de contestation sororale. Jusqu'à épouser les traits de Beyoncé, la queen du pop-féminisme. Avec, toujours en évidence, ce slogan aujourd'hui synonyme d'empouvoirement : "We can do it". Nous pouvons le faire.
...Mais on hésite avec : Fleur. Une autre façon de faire perdurer cette symbolique des épines qui griffent les doigts des goujats trop mal intentionnés. Et d'évoquer Fleur Delacour, décochent les potterheads.
On aime parce que : Aux Fraises, Gainsbourg, Brontë, Rampling...Amusant qu'un tel prénom nous promène des souvenirs "girly" aux évocations des féminités les plus transgressives. Charlotte se balade à travers les siècles mais c'est bien souvent la liberté qu'elle porte sur elle.
...Mais on hésite avec : Cher. Histoire de se la jouer pop-féministe à fond.
On aime parce que : Elsa, LA Elsa Triolet, femme de lettres majeure et résistante éternelle, qui écrivait : "le vrai rêveur est celui qui rêve de l'impossible". Ce n'est pas qu'un prénom, c'est un poème. "Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire / J'ai vu tous les soleils y venir se mirer / S'y jeter à mourir tous les désespérés / Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire" (Les Yeux d'Elsa, Aragon). Frime au collège assurée.
...Mais on hésite avec : Lisa (...Simpson, la petite fille végétarienne, écolo et féministe la plus populaire au monde) ou Elisa, subtile incrustation d'un "i" qui permet de raviver la mémoire d'Elisa Point, chanteuse hexagonale des années quatre-vingt à la voix spectrale et aux expérimentations fascinantes.
On aime parce que : "Je m'appelle Jane, et je t'emmerde", of course. De quoi faire honneur à celle qui traîne son "accent britannique" depuis l'année 69, comme le narre l'irrévérente chanson de Mickey 3D. Puis bon, tout en Jane, prénom respirant la classe british, nous ramène vers des figures d'exception. Jane Austen, l'autrice d'Orgueil et Préjugés, Jane Eyre, l'héroïne de Charlotte Brontë ("Je ne suis pas un oiseau et aucun filet ne me prend au piège", dit-elle), ou, preuve de son aura contemporaine, la série intensément cheesy Jane The Virgin (bon là, on assume quand même un peu moins).
...Mais on hésite avec : Juliette. L'idéal pour se la jouer "mood/moue de Parisienne" jusqu'au bout des ongles, en se remémorant quelques sérénades et photographies en noir et blanc de la titi Juliette Gréco. Baroque...
On aime parce que : Les prénoms mythologiques portent en eux un éclat que n'ont pas les autres. Diane, Hélène, Ariane, Iris, Asia...Des féminités épiques. Et bien sûr, persiste Pénélope, l'épouse d'Ulysse, dont la psychologie ne cesse d'être théorisée des siècles plus tard. Sans pour autant en revenir au temps des sirènes, l'on aime à se dire que ces quelques syllabes sont les plus girl power de l'année. Pourquoi ? Parce qu'il suffit de lire les créations de Pénélope Bagieu, autrice des deux tomes indispensables de Culottées et lauréate d'un Eisner Award, le plus prestigieux prix du neuvième art. Elle est la seule française à le détenir, et c'est amplement mérité.
...Mais on hésite avec : Penny. La Pénélope modernisée de la série télévisée Lost. Une femme aux mille vies, qui lutte contre le temps et l'espace. Un peu comme ce mythe fascinant qu'elle incarne.