Il brandit son mantra tel une bannière : "Ne t'excuse jamais d'être toi-même !". Le discours décomplexé de Franck Colacicco, alias "Un Garçon Stupide", fédère sur les réseaux sociaux : plus de 1,4 millions de fans suivent ses vidéos sur TikTok et son compte Instagram compte 105 000 followers. Son objectif ? Accompagner et rassurer des personnes comme lui, qui se sentaient seules parce que "différentes". Et leur donner de la force pour s'accepter.
Au gré de ses publications, il distille ses conseils bienveillants ("N'oubliez pas : vous n'êtes jamais TROP ! Trop gros, trop maigre, trop grand, trop petit, trop gay, trop efféminé, trop maquillé... Vous êtes vous, et vous n'êtes pas trop"), s'affiche maquillé et ultra-looké, parfois aux côtés de ses parents avec qui les relations n'ont pourtant pas toujours été évidentes.
A l'occasion du Mois des fiertés, nous avons interrogé cet influenceur queer flamboyant de son parcours personnel, de discriminations et de son combat jamais achevé.
Un Garçon Stupide : J'en ai pris conscience à l'âge de 12 ans. Malheureusement, dans un contexte très particulier, grâce ou à cause d'un harcèlement scolaire que je subissais cette année-là. C'était au collège, en 6e, un camarade m'insultait de "tarlouze". J'ai vu que cela faisait rire mes camarades. Le soir, je suis rentré chez moi, j'ai cherché cette insulte sur Internet et j'ai découvert sa définition: "Insulte envers deux personnes de même sexe".
J'ai découvert à ce moment-là que, à la fois deux hommes pouvaient s'aimer (personne dans ma famille ne m'en avait fait l'explication) et j'ai découvert d'une autre part que le regard que je portais envers les garçons n'était plus seulement de l'amitié. Ce regard différent que je portais envers les garçons, je ne l'avais jamais compris. Mais là, tout faisait sens.
U.G.S : À ma soeur Clémence. Trois années plus tard, je lui ai dit. Pourquoi ? Car je voyais qu'elle traînait avec des personnes gays, donc c'était évident pour moi qu'elle me comprendrait et qu'elle me guiderait vers le coming out avec mes parents.
U.G.S : De la solitude. J'étais différent. Sans parler de mon homosexualité, j'étais rond, boutonneux, un look coloré et surtout très mature pour mon âge étant HPI (Haut Potentiel Intellectuelle). Je n'étais compris de personne et personne ne pouvait me comprendre. Même pas mes parents. Donc, je menais cette jeunesse tumultueuse, avec ce harcèlement qui me suivait, tout cela seul.
U.G.S : Oui, c'était très compliqué. Tu ne sais pas la réaction qui va être engendrée derrière. C'est du 50/50. Soit il ou elle t'accepte, soit il ou elle ne t'accepte pas. Ou même quand souvent il t'accepte, la relation peut ne plus être là même du tout. Notamment avec les garçons. Ils pensent que vu que je suis gay, je veux à tout prix les avoir dans mon lit. Sauf que le principe d'amitié garçon-garçon n'est pas incompatible avec l'homosexualité. Donc, je faisais le tri des personnes à qui je pouvais en parler.
U.G.S : Très mal au départ. Pour ma mère, c'était une "mode", un passage, j'étais perdu selon elle avec moi même et non avec ma sexualité. Pour mon père, c'était la même chose. Sauf que pour ce père qui a mis son fils au foot toute son enfance, tout cela s'accompagnait d'amertume, de déception et de tristesse. Il ne m'a plus parlé pendant 2 ans.
U.G.S : Ce qui m'a beaucoup aidé, ce sont les films parlant du sujet de l'homosexualité. Que ce soit une histoire d'amour, un coming out, ou juste le simple personnage gay. Le fait qu'un film nous montre qu'un personnage gay se porte bien avec sa sexualité, c'est rassurant. L'exemple récent avec la série Heartstopper sur Netflix.
U.G.S : Oui, c'est quotidien et sous toutes les formes. Dans la rue, ce sont des insultes, des mauvais regards, des bousculades. Sur les réseaux sociaux, des insultes, des menaces de mort, du harcèlement, des montages vidéo ou photo dégradants. Je vis avec l'homophobie, chaque jour. Je déteste dire ça, mais c'est aujourd'hui une habitude.
Ta chanson Check ça était une réponse aux haters. Comment l'as-tu écrite ? Quelles ont été les réactions ?
U.G.S : Oui, c'était une réponse aux haters les plus virulent : ceux qui utilisent la religion pour cacher une véritable homophobie. Quand je me maquille, on me balance : "Tu verras aux derniers jugements". Quand je fais des vidéos avec mon copain : "Il est encore temps pour vous repentir". C'est invivable.
Je l'ai écrite comme si j'étais en Enfer à cause de mon homosexualité. Je leur donne ce qu'ils veulent de moi. C'est une manière de dire : je m'en fous de ce que tu penses. Les réactions ont été très nombreuses et très différentes les unes des autres. Pour certains, l'autodérision était excellente. Pour d'autres, ils ont été inspirés pour encore plus s'assumer malgré les critiques. Et enfin, certains ont été choqués que je me moque de l'Enfer. Alors que je me moque de ceux qui utilisent la religion pour me rabaisser, plutôt que la religion en elle-même.
U.G.S Bien sûr. Je choisis les lieux, les moments, les heures. Par exemple, dans le quartier Marais à Paris, je tiens mon copain fièrement dans les mains, avec un beau maquillage sur mes yeux. En revanche, à Châtelet, toujours à Paris, je ne lui tiens plus la main, je suis habillé sobrement et sans maquillage. Je dois faire évoluer qui je suis selon les endroits.
Je dis aux gens de s'accepter malgré tout. Cependant, la haine des gens est si forte envers les personnes qui ne sont pas comme eux qu'on se retrouve chaque année avec des morts sur les bras. Restons vigilant.
U.G.S : Parce que j'ai toujours été ce gars bizarre, ce gars différent. Celui à qui on n'ose pas adresser la parole parce qu'il nous gêne. Que tout le monde trouve bête car il n'est pas comme eux.
Donc c'est un "hommage" au Franck d'avant. Et je préfère me nommer moi-même par l'appellation que je veux, plutôt que d'autres le fasse à ma place.
U.G.S : Quand je me suis fait harceler, je me suis réfugié sur les réseaux sociaux. Et notamment sur YouTube. À cette époque, il y avait les premiers youtubeurs gays qui traitaient ce sujet. Donc, je regardais leurs vidéos en attendant d'avoir leur âge et d'être aussi épanoui. Mais je ne me sentais pas totalement représenté par eux.
Donc, des années plus tard, je veux être ce garçon dont on regarde les vidéos et les photos pour s'évader en pensée. Pour se réfugier dans ce cocon de sécurité, face à quelqu'un dont on sait qu'il connaît ce qu'on vit. Je veux aider les jeunes Franck, qui vivent aujourd'hui les souffrances que j'ai vécues il y a 10 ans.
Et je me suis tourné vers Instagram, car c'est le réseau social le plus utilisé par les jeunes, mais pas que, c'est vraiment un réseau social multigénérationnel. Et cette quête d'être soi-même, est une quête multigénérationnelle également.
Donc pour aider cette génération, je me suis tourné sur Instagram, où je peux être actif en Stories, Reels ou Posts pour aider le plus de personnes possible dans leur difficulté du quotidien à être eux même. Ma phrase : "ne jamais s'excuser d'être soi-même !"
U.G.S : Je reçois souvent les mêmes questions : "Je suis gay/bi/lesbienne... mais j'ai peur/j'ose pas le dire à mes parents, tu peux m'aider?", "Comment je peux faire mon coming-out ?", "Je vais pas bien en ce moment, je me fais harceler mais je ne sais pas comment en parler, tu peux m'aider ?"...
Et je remarque que ces messages proviennent de personnes de plus en plus jeunes. J'ai peur pour eux. J'essaie au maximum de les aider mais c'est dur d'être de partout à la fois.
U.G.S : Le maquillage pour moi, c'est une évasion en couleur, en strass et paillettes. Toutes ces choses qu'on m'a reproché d'être "trop" il y a 10 ans, aujourd'hui, j'utilise cela à travers le maquillage pour raconter un message. Ce message de s'accepter, d'être fier·es de qui nous sommes et qui nous voulons être.
U.G.S : Comme je disais, la série Heartstopper sur Netflix. C'est une série qui parle d'un jeune adolescent, qui s'appelle Nick, qui est perdu dans sa sexualité. Mais tombe éperdument amoureux de Charlie, qui lui aide Nick à trouver son vrai "lui".
Ça parle de la quête de soi-même et de sa sexualité avec tellement de douceur, c'est magique. Et ça va aider tellement de jeunes à se sentir moi seul, ou moins différent.
U.G.S : Qu'elles et ils prennent davantage part à cette cause. À mon niveau et pour parler de vécu, il faut faire une refonte de traitement du sujet de l'homosexualité dans les collèges et lycées. Et même pas que l'homosexualité, de la différence de manière générale. Pour traiter le mal-être plus tôt, pour que les jeunes vivent plus tôt leur vie en étant eux-mêmes.
À mon époque, on donnait des heures de colle à mes harceleurs. Mis à part les rendre plus violents, ça n'a servi à rien. Donc, il faut revoir le traitement du harcèlement dans les systèmes scolaires. Et surtout que la parole du harcelé soit entendue car, dans de nombreux cas, elle ne l'est pas. Ce qui conduit à un mal-être et un harcèlement encore plus violent. Et il peut mener à un suicide des jeunes.
U.G.S : Pour l'instant, je n'ai pas réellement d'autres combats car celui-là n'est pas achevé. D'ailleurs, il ne le sera jamais. Peut-être que je vais mourir avec ce problème toujours existant. Mais j'aurais fais de mon mieux pour rendre le monde un peu plus beau, pour que les enfants des prochaines générations ne le vivent plus !