Le jugement est à peine croyable et pourtant, il date de moins de deux ans. En 2019, la cour d'appel de Versailles a sanctionné une femme parce qu'elle ne voulait pas avoir de rapports sexuels avec son mari, prononçant un divorce à ses torts exclusifs.
"[Ces faits], établis par l'aveu de l'épouse, constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune", estime le tribunal. Décision que la Cour de cassation a validé, ignorant ainsi l'arrêt du 5 septembre 1990 acté par la Chambre criminelle, qui abolissait justement la notion de "devoir conjugal".
Mercredi 17 mars, la concernée, accompagnée par la Fondation des Femmes et le Collectif féministe contre le viol, a porté plainte contre la justice française auprès de la Cour européenne des droits de l'homme pour "ingérence dans la vie privée" et "atteinte à l'intégrité physique".
Par la condamnation contestée, "les juridictions françaises nient ainsi le droit des femmes de consentir ou non à des relations sexuelles", dénonce les organismes dans un communiqué. "Les décisions des juges sont d'autant plus choquantes que le Code civil, qui régit le mariage, n'impose aucune obligation aux époux d'avoir des relations sexuelles."
Une "vision archaïque" de l'union qui n'a certainement plus lieu d'être en 2021. Et qui s'avère de plus, extrêmement dangereuse.
Dans 47% des 94 000 viols et tentatives de viols par an, l'agresseur est le conjoint ou l'ex-conjoint de la victime, rappelle la Fondation des Femmes. "L'enjeu est grave". Car, les deux associations insistent, "laisser perdurer le 'devoir conjugal', c'est maintenir un outil d'intimidation pour les agresseurs sexuels violeurs au sein du couple et nier l'existence dans notre Code pénal, du crime aggravé de viol conjugal."
C'est aussi bafouer la notion de consentement et la liberté pour une femme d'avoir, ou non, des relations physiques avec son mari. De disposer de son corps et de ne pas être seule objet des désirs de celui qui partage son lit. "Le mariage n'est pas et ne doit pas être une servitude sexuelle", concluent-elles.
Si la France est condamnée suite au procès en Cour européenne des droits de l'homme, comme le Royaume-Uni il y a 25 ans, cela "permettrait enfin de garantir le respect de la vie privée et de l'intégrité physique" des Françaises. Affaire (essentielle) à suivre.