C'est un film qui entremêle piques "touchy" et infinie tendresse. Une comédie pleine d'audace et d'amour. Le dernier des juifs pourrait bien être LE "film bouche à oreille" de ce début d'année, et faire son petit effet malgré l'ombre dominante des sorties événements et autres blockbusters.
En salle en tout cas, il suscite l'hilarité !
Ce premier long-métrage relate les tribulations de Bellisha, jeune protagoniste et "dernier des Juifs du 93", vivant auprès de sa mère dans un appartement au demi siècle d'âge. Pressions à trouver un job et une meuf, mais surtout à devenir un "bon juif", le taraudent de part et d'autre - influence familiale oblige. Surtout lorsque sa propre mère, malade, exige que le binôme déménage fissa direction Saint-Mandé... "Où vivent tous les Juifs !".
Blindé de répliques vives et ironiques, Le dernier des juifs pourrait s'envisager comme un Rabbi Jacob renouvelé. Intelligent, drôle et surtout : pas ringard du tout, heureusement. Une comédie moderne et bienveillante qui propage l'air de rien un parfum de vivre-ensemble sous ses atours satiriques. Mais surtout : c'est un magnifique portrait de mère.
Avec une Agnès Jaoui plus lumineuse que jamais.
Le dernier des juifs, portrait doux amer de la France d'aujourd'hui, comédie piquante sur fond de religion (Juive mais pas seulement !), objet-hantise de tous les réacs de l'Hexagone ? Et pourquoi pas tout cela à la fois ? Mais cette chronique familiale est aussi très émouvante. Elle touche la bonne corde en magnifiant une actrice accomplie. Agnès Jaoui, à quelques semaines de recevoir un César d'honneur mérité, y est effectivement radieuse.
La relation que partage le touchant Bellisha avec sa mère est troublante de sensibilité et de vérité. Il lui ment constamment pour la rassurer de son train de vie. Elle de son côté, s'exerce à le préserver face aux affres de la maladie. C'est une femme aux sorties acerbes et désuètes - qui participent pour beaucoup au côté grinçant de l'oeuvre - mais également une mère solo qui exprime volontiers ses peurs - face à l'avenir de son fils, à l'avenir des Juifs en Ile de France, à la guerre, à l'évolution d'un monde qu'elle ne comprend pas toujours.
Si les tribulations de Bellisha le pousseront plus loin que son propre foyer, le binôme qu'il constitue avec sa mère représente véritablement le duo principal du film. Ce qui a incité Le Figaro à comparer cette comédie à un chef d'oeuvre de la littérature : Le livre de ma mère d'Albert Cohen. Immense déclaration d'amour à la mère, à toutes les mères. Dans ce film, c'est encore la mère autour de laquelle tout gravite, comme un soleil.
"Amour de ma mère. Jamais plus je n'aurai auprès de moi un être parfaitement bon. Mais pourquoi les hommes sont-ils méchants ? Que je suis étonné sur cette terre. Pourquoi sont-ils si vite haineux, hargneux ?"
Agnès Jaoui est d'ailleurs éblouissante dans ce rôle, d'autant plus que l'oeuvre adopte progressivement une couleur mélancolique, un je ne sais quoi de spleen diffus qui n'est pas sans émouvoir. L'occasion d'accorder à la comédienne des plans valorisant sa force : regards, sourires et mains qui disent beaucoup, sans rien dire. Une grande actrice. Et une irrésistible curiosité.