Doit-on encore louer les qualités d'Agnès Jaoui ? Actrice à la carrière s'étendant sur près de quarante ans, metteuse en scène, comédienne de théâtre, chanteuse, mais aussi, brillante scénariste... A l'évoquer, on pense notamment au doux amer Goût des autres, l'une de ses plus marquantes collaborations avec son âme soeur, le regretté Jean-Pierre Bacri, oeuvre sociologico-comique lauréate de deux César dont celui du Meilleur film.
Et bien des années plus tard, le sacre d'Agnès Jaoui se poursuit. Car cette artiste si inspirante sera couronnée le 23 février prochain d'un César d'honneur, qu'elle acceptera sur la scène de l'Olympia. Et ce à l'occasion de la nouvelle cérémonie des César, dont l'on attend déjà beaucoup - au hasard, une statuette pour Adèle Exarchopoulos, fabuleuse dans le poignant Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry.
Un César d'honneur bien mérité. D'autant plus, nous rappelle le magazine Paris Match, qu'Agnès Jaoui est également la femme la plus récompensée de l'histoire des César. Et on comprend volontiers pourquoi...
Des films d'Alain Resnais aux siens, Agnès Jaoui dépeint à travers ses scénarios les petites hypocrisies sociales, les tensions familiales, les jeux de l'amour et du hasard, mais aussi les violences de classe, le mépris social, le choc des générations. Ce sont des histoires à la fois drôles, ironiques et mélancoliques. Toujours justes.
Agnès Jaoui est une artiste engagée, et féministe depuis son adolescence. Celle qui fut formée au Cours Florent en avait témoignée à l'occasion d'une masterclass organisée au 45e Festival de Films de Femmes de Créteil, déplorant: "Vers 19 ans, j'ai pris conscience que je ne lisais que des livres écrits par des hommes, que l'histoire de l'art ne nous parlait pas des films réalisés par des femmes, qu'il n'y avait pas assez de femmes célébrées au Festival de Cannes...".
A propos de sa prise du conscience des pressions patriarcales, elle déclare encore : "A mes débuts en tant qu'actrice j'avais envie d'être toutes les femmes, celle qui séduit par son corps, l'autre par sa tête. Mais séduire m'enfermait. Finalement, ne pas avoir été choisie dans des rôles pour ma beauté fut une chance. Mais ce ne fut pas une lutte simple !".
Ce qui frappe également chez Agnès Jaoui ces dernières années, c'est ce geste militant qui semble traverser des films comme Aurore et Comme un avion : ce désir dans un monde du cinéma extrêmement âgiste de visibiliser un corps d'actrice de plus de cinquante ans, une âme vive, désirante, libre, qui tient le haut de l'affiche. Cette revigorante liberté de jeu et de choix artistiques se voit : elle n'a jamais parue aussi solaire qu'aujourd'hui.
On s'impatiente de voir cette reine couronnée.