Le connard est un stéréotype parfaitement universel, qui a été mille fois analysé par les magazines féminins et mille fois édulcoré par les comédies romantiques : il faut dire que pour chaque femme, l'enfoiré affectif fait figure de passage obligatoire. A force, ce Don Juan des temps modernes, qui vous séduit pour mieux vous jeter au petit matin, est presque devenu un lieu commun des relations amoureuses 2.0. Pourtant, Cédric Ih parvient à le dépoussiérer en s'y attaquant sans faux-semblants. Dans son court-métrage "Parisien, Trentenaire, Célibataire", le réalisateur décortique ce triptyque sacré pour dévoiler les mécanismes qui régissent les comportements amoureux. Une plongée douce-amère dans l'univers des célibataires désabusés, trop brisés pour être autre chose qu'odieux.
Ben a trente ans et une vie classique : une copine depuis 3 ans, un appartement en colocation à Paris et une bonne bande de potes. Sauf que son monde s'écroule quand sa douce moitié lui apprend son infidélité et le quitte pour mieux que lui. L'ego et le coeur en miettes, Ben tente alors de surmonter sa rupture par tous les moyens possibles. C'est le point de départ de la montée en puissance d'un enfoiré affectif, de plus en plus sûr de lui et indifférent.
A l'aide des flash-backs, des lumières glauques de néons de night-clubs et des chutes à la 99 francs, Cédric Ih dresse les contours d'un univers glauque et oppressant qu'on ne connaît que trop bien, entre les nuits perdues en boîte et les coups d'un soir pour qui on ne fera même pas l'effort de dissimuler son mépris. On assiste à la triste mutation de Ben, qui n'ose plus aimer les yeux fermés, comme un adolescent : "C'est fini l'amour éternel, les 'Pour le meilleur et pour le pire', le prince, crois-moi, il est meilleur avec du chocolat entre deux biscuits et trempé dans du lait". Pour Cédric Ih, les hommes cruels sont ceux qui ont trop aimés - et on pourrait en dire autant des femmes.
Le point fort de "Parisien, Trentenaire, Célibataire", c'est aussi que Cédric Ih y croque avec originalité des personnages que nous ne connaissons que trop bien, et qui peuplent nos propres vies. Tout nous est familier, du coloc libidineux obsédé par le sexe à la victime d'infidélité, qui tente de noyer son chagrin au fond des verres de vodka ou dans des décolletés plongeants.
Et puis surtout, Ben jette un oeil nouveau sur l'immense complexité des relations amoureuses, et nous met face à nos contradictions, lorsque le désespoir nous pousse à cracher sur les sentiments pour se perdre dans la consommation rapide de corps anonymes. Acide mais nécessaire.