Ah, l'infidélité, cet éternel moteur de toutes les comédies à l'eau de rose hollywoodiennes, la cristallisation de nos pires angoisses et de nos plus grands fantasmes, le gagne-pain des thérapeutes et des sexologues... L'infidélité ne cesse –et ne cessera probablement jamais- de nous obséder.
Elle nous fascine d'abord parce qu'elle touche à l'interdit, moral, légal et sociétal, et même religieux puisque tromper, c'est croquer dans la pomme et céder à la diabolique tentation. Mais surtout, elle nous touche nous, personnellement. L'infidélité nous atteint dans notre ego, dans notre confiance en nous et en ceux qui nous entourent, en brisant l'image que l'on avait de nous et de notre couple. Sur ce très vaste sujet, on a une seule certitude : tromper, c'est mal. Les gens biens ne sont pas infidèles. D'ailleurs, 85% des gens condamnent l'infidélité, d'après le sondage de la General Social Survey. Seulement voilà : malgré cela, 60% des hommes la pratiquent et 45% des femmes, toujours selon le même sondage.
L'infidélité, avec son cortège de mensonges et de trahisons est loin d'être un fait mineur et marginal que l'on pourrait balayer d'un geste insouciant de la main : bien au contraire. On connaît tous quelqu'un qui a été infidèle : par ennui, pour se prouver qu'il pouvait encore plaire, pour combler un manque, pour se venger, pour se rassurer... Contrairement à ce qu'essayent de nous faire croire les bien-pensants, la luxure n'est pas le seul motif d'adultère. C'est en fait un révélateur, à la manière des bains en photographie dans lesquels on plonge des négatifs, de la dynamique de notre couple et de ce qui ne va pas. Et c'est donc peut-être aussi ce qui peut permettre de régler ces problèmes.
Pendant longtemps, l'infidélité a été la Grande Faucheuse des couples : tromper revenait à faire une croix sur son histoire, comme l'explique le Dr Tammy Nelson, thérapeute et sexologue de renom au Glamour US : "Les thérapeutes ont toujours considéré qu'un mariage en péril ne saurait se remettre d'une infidélité". Mais, comme elle l'ajoute immédiatement, les moeurs évoluent et aujourd'hui, "beaucoup de couples sont moins surpris d'une infidélité que de son absence". Il faut dire qu'on n'avait jamais vécu à une époque où deux personnes peuvent se coucher côte à côte dans le même lit tout en sextotant avec son match Tinder pour l'un et en regardant en mode muet une webcam de chat pour l'autre. L'accélération des communications et la facilitation des échanges a aussi démultiplié les possibilités, permettant à l'infidélité de se montrer au grand jour. C'est devenu le fond de commerce assumé des sites de rencontres extra-conjugales comme Gleeden (près de 3 millions de membres actuellement) ou Ashley Madison (44 millions d'usagers). Le sondage de GlobalWebIndex a même montré que 12% des gens qui se prétendent célibataires sur Tinder sont en fait en couple, et 30% mariés. Face aux accusations d'immoralité, les concepteurs et les utilisateurs des sites et applis se défendent, à l'image de Anne-Sophie Duthion, la porte-parole de Gleeden qui explique aux Inrocks : "Nous n'avons pas inventé l'infidélité. Beaucoup de gens sont inscrits dans l'objectif de rester en couple. Les rencontres sont une respiration pour oxygéner le couple. Ça peut paraître contradictoire, mais c'est la réalité".
Cette réalité, c'est donc que l'infidélité est devenue une nouvelle norme dans notre société : elle envahit même les bacs avec le dernier album de Beyoncé, Lemonade ,où cette dernière aborde à de nombreuses reprises le sujet de l'infidélité –et notamment celles de son mari Jay-Z, peut-on présumer. Quelques phrases de sa chanson "Sorry" ont suffi à enflammer la toile, qui cherche désormais la femme qui a détourné Jay-Z de Beyoncé, comme l'explique l'article du Huffington Post. Mais selon le célèbre proverbe américain, " If life gives you lemons, make lemonade" dont s'inspire le titre de l'album, la magnanime Queen B prône le pardon, l'amour et la réconciliation. Les regards changent donc sur l'infidélité : plutôt que de la honnir et de nier sa probabilité, l'accepter et la maîtriser pourraient considérablement améliorer les rapports au sein des couples.
C'est en tout cas ce qu'assure le Dr Nelson dans son livre The New Monogamy. Elle y explique que tâcher de maîtriser l'infidélité en en acceptant la probabilité est en réalité la meilleure manière de la prévenir et de préserver son couple de ce danger, quoiqu'il arrive. Pour Tammy Nelson, Internet et les smartphones ont distordu les règles de la monogamie traditionnelle : il est nécessaire pour un couple de les redéfinir ensemble : "Vous ne devez pas rédiger un contrat mais avoir une discussion ouverte où vous expliquez à quoi ressemble votre notion de la monogamie", dit-elle au Glamour. Bien que cela paraisse peu romantique et assez radical, c'est efficace : de fait, nous avons tous un "contrat" implicite dans un couple, des règles que l'on n'a pas forcément énoncées mais que l'on considère comme fondamentales. Il s'agit de dialoguer ouvertement sur ces règles, afin de tracer la limite. Il y a en effet plusieurs "niveaux" avant l'infidélité dans un couple et vous devez définir le vôtre ensemble : un dîner avec ses ex, un baiser alcoolisé sans conséquence, flirter sur des sites et des applis sans rencontrer la personne ensuite, sextoter avec quelqu'un d'autre... C'est aussi l'occasion de faire une mise au point sur votre couple et de réfléchir sur ce que vous pouvez autoriser pour vous valoriser et rallumer la flamme si nécessaire sans tomber dans la trahison. L'article de l'Obs sur Tinder montre d'ailleurs comment cette application est devenue un outil pour les couples : elle sert de "défouloir" ou présente "un intérêt non-négligeable pour les gens en couple : le plaisir de plaire" selon un témoin de 26 ans.
Le speech de la thérapeute Esther Perel "Rethinking Infidelity" à une conférence TED a eu plus de 5,3 millions de vues depuis mars 2015. Dans son discours, Mme Perel appelle au changement des mentalités sur l'adultère. Bien sûr, certaines tromperies sont tout simplement impardonnables : cela dépend du contexte et de la situation de votre couple. Mais elle essaye de libérer ceux qui choisissent de pardonner (58% en France) du courroux que cela suscite parfois : alors qu'avant, c'était divorcer qui était honteux, aujourd'hui, c'est de rester auprès d'un infidèle.
Or, le couple peut être vu comme une entreprise qui a sans cesse besoin de mises au point et d'ajustements pour pouvoir fonctionner sur le long terme : lorsque la " clientèle " de cette entreprise va voir ailleurs, c'est qu'il y a un problème. Cela nécessite une remise en question totale de la part des deux partenaires, ce qui n'est pas aisé. Mais l'adultère peut parfois être l'étincelle qui fait repartir un couple plutôt que de l'embraser : cela rappelle que "les gens ne sont pas parfaits et que les relations demandent travail" d'après le psychologue Michael J. Formica dans Psychology Today. "Parfois, il est difficile de définir ce qui ne va pas. Un écart dans la relation peut ouvrir une fenêtre sur ce qu'il manquait", ajoute-t-il. Et permettre ainsi de le corriger.
L'infidélité devient même un outil de thérapie fréquemment utilisé pour resouder un couple. Pour que cela soit possible, il n'y a qu'une seule obligation : communiquer afin de "maîtriser l'adultère" selon la formule de Tammy Nelson. On n'est pas en train de vous expliquer qu'aller coucher avec votre collègue du 2ème étage va sauver votre mariage, attention ! Mais l'infidélité joue sur des sentiments puissants : le sentiment de perte de la personne aimée, que ce soit la personne trompée ou la fautive, peut donner un coup de fouet à votre désir, comme l'explique Aufeminin. Il faut parfois que les choses qu'on aime ne tiennent plus qu'à un fil pour se rendre compte à quel point on y tient ; l'infidélité peut donc booster un couple en revalorisant chaque partenaire aux yeux de l'autre. Il est possible de travailler sa relation en s'appuyant là-dessus et donc en invitant l'infidélité dans votre couple.
Redéfinir votre notion de la monogamie s'inscrit dans cette logique : on peut décider d'accepter des écarts que l'on considère tolérables pour vivifier une relation qui s'épuise : "La plupart des couples qui pratiquent la nouvelle monogamie veulent toujours un attachement amoureux sur le long terme, de l'affection, une confiance mutuelle et de la sécurité. C'est juste que leurs notions de fidélité et d'engagement divergent un peu de la norme", appuie le docteur Tammy Nelson. Briser la routine, se retrouver, vivre de nouvelles expériences... Les plus téméraires peuvent aller jusqu'à l'échangisme ou les plans à trois, facilités par le Tinder des trios, l'application3nder... Vous laisserez-vous tenter ?