
Notre Premier ministre est accusé d'avoir été mis au courant de plaintes pour violences et agressions sexuelles commises par des prêtres et des surveillants à l'encontre d'élèves du pensionnat Notre-Dame de Bétharram dans les années 1990 et de n'avoir rien dit, rien fait.
Une nouvelle fois, Françoise Gullung, une ancienne professeure de l'institution a assuré avoir mis au courant François et Elisabeth Bayrou de ces agissements, dès les années 90. Auditionnée le 26 mars à l'Assemblée Nationale par la commission d'enquête sur "les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires", Françoise Gullung, a témoigné face aux députés. Elle a ainsi réitéré les propos qu'elle avait déjà eu devant la presse.
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Cette audition fait en effet suite à des révélations de Médiapart. Le 5 février dernier, le média publiait une enquête accablante sur le Premier ministre. Plusieurs preuves et témoignages prouvent que, contrairement à ce qu'il n'a eu de cesse de répéter, le maire de Pau était au courant des violences et des viols perpétrés sur les élèves du pensionnat Notre-Dame de Bétharram.
À ce jour, 112 plaintes ont été déposées par d'anciens pensionnaires de Notre-Dame-de-Bétharram, cet établissement privé catholique situé à Pau, dont François Bayrou est le maire depuis 2014. Selon Mediapart, un collectif d’ex-élèves aujourd’hui adultes a été créé en octobre 2023. Depuis, "les témoignages dénonçant des violences physiques, agressions sexuelles et pédocriminelles commises par des prêtres et des surveillants, ou même entre résidents, s’accumulent sur le bureau du procureur de la République", rapporte le journal. Les accusations portent sur des faits qui auraient eu lieu entre les années 1950 et 2010.
Le lien avec François Bayrou ? En 1996, il était ministre de l’éducation nationale et s'était rendu dans les locaux de l'établissement scolaire pour soutenir un parent d'élève. Deux ans plus tard, il rencontrait le juge saisi d’une affaire de violences sexuelles. Mais ce n'est pas tout. Plusieurs de ses six enfants ont été scolarisés dans l'établissement et son épouse y a enseigné le catéchisme. Toujours est-il que le Premier Ministre nie avoir été mis au courant des violences commises sur les mineurs de l'école.

Dans une interview accordée au Parisien en mars 2024, François Bayrou déclarait : "C’est vrai que la rumeur, il y a vingt-cinq ans, laissait entendre qu’il y avait eu des claques à l’internat. Mais de risques sexuels, je n’avais jamais entendu parler". Mais les informations recueillies par Médiapart prouvent le contraire.
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Des propos soutenus depuis la première heure par Françoise Gullung, l'ex enseignante de mathématiques, qui a travaillé à Bétharram de 1994 à 1996. Elle confiait déjà en juillet 2024 au journal Le Point, avoir tenté d'avertir l'épouse de François Bayrou, puis d'avoir voulu prévenir le Premier ministre lui-même.

"J'ai considéré que c'était de la barbarie de faire cela à des enfants", a-t-elle de nouveau déclaré le 26 mars face aux députés.
Durant son audition, la retraitée a réitéré ses allégations. Elle a décrit une scène ayant eu lieu en 1994 : "J'ai entendu un adulte qui hurlait sur un enfant, le cognait, j'entendais les coups", puis expliqué avoir tout de suite alerté Elisabeth Bayrou. "Venait vers moi Madame Bayrou, donc je lui ai dit 'qu'est-ce qu'on peut faire ?' Elle n'a pas compris ce que j'attendais", relate-t-elle.

Françoise Gullung a également indiqué avoir continué à signaler les violences à maintes reprises. Elle dit avoir écrit à François Bayrou, "parce qu'il était ministre de l'Education nationale et conseiller départemental", avoir rédigé un courrier au tribunal, tout en se rendant à la gendarmerie. Sans succès.
La lettre adressée à François Bayrou faisait état de "maltraitances et de violences", et était resté sans réponse, entend-t-on au cours de son audition, diffusée par LCP. Quelques mois plus tard, l'enseignante explique l'avoir croisé lors d'un événement organisé par l'établissement scolaire.
"Je me suis dit c'est le moment où jamais, je tente", se souvient-elle. "je suis allée vers lui et je lui ai dit Monsieur Bayrou, c'est vraiment grave ce qu'il se passe à Bétharram, il faut faire quelque chose. Et il m'a simplement répondu : on exagère".
Cette interaction semble avoir été la goutte de trop, et a fini par décourager la professeure. "J'ai rien fait de plus parce que voilà, pourquoi aurais-je fait plus ?" Trente ans plus tard, son témoignage compte pourtant toujours autant.