L'historienne et autrice Therese Oneill, originaire de l'Oregon, maîtrise le sujet de la place des femmes pendant l'ère victorienne à la perfection. Les rituels d'hygiène, les comportements sexuels, les conseils plutôt insolites, ça la connaît. C'est donc tout naturellement qu'elle s'est plongée dans l'écriture d'un guide assez précis, réalisé à partir de documents de l'époque, qui liste les règles de conduite d'une lady de jadis avec humour : Unmentionable: The Victorian Lady's Guide to Sex, Marriage and Manners (éditions Little, Brown and Company).
Un vrai manuel pédagogique qui insiste sur la bonne façon de faire l'amour pour ne pas avoir d'enfants "idiots", et livre aussi toutes les astuces pour éviter de sentir la transpi croupie en ne prenant qu'un bain par mois. Une sorte de tuto bien ficelé qui nous amuse et nous fait dire que naître en 1850, c'était vraiment la plaie.
On a relevé les faits les plus ahurissants de l'ouvrage qui s'est offert une place de choix dans la liste des best sellers du New York Times.
Et l'explication qui vient avec cette affirmation est tout aussi dénuée de sens : "Aucune femme ne peut désirer un tel rapport car elle ne peut l'apprécier". D'accord. Mais encore ? "Une femme dotée d'une constitution délicate pourrait même être fatalement blessée de cette manière".
Donc, pour résumer : vous devez éviter que votre mec vous prenne contre un mur car vous êtes une petite fleur trop fragile pour aimer le sexe autant que lui, et vous avez même une chance d'en mourir. Joie.
Après ça, le temps de la culpabilisation de la femme aura encore de beaux jours devant lui. Vos enfants souffrent d'une pathologie ? C'est de votre faute, et en aucun cas celle de la génétique ou d'un pur et simple hasard. Les progrès de la science et les enfants conçus une nuit de 31 décembre pourront témoigner que, non, ça n'a absolument aucun rapport.
Autre conseil qui semble tout à fait réaliste : ne jouez pas à touche-pipi après avoir englouti votre poids en frites car là aussi, c'est risqué, l'arrêt cardiaque pourrait frapper.
A l'époque, les scientifiques fuyaient l'hygiène comme la peste et affirmaient même que plonger tout son corps dans l'eau le rendrait plus vulnérable. Ni une, ni deux, ils décident de déconseiller les bains trop fréquents. Les toilettes étaient alors réduites à de l'eau glaciale et une éponge.
Comment faisait-on pour ne pas sentir le bouc ? On ne faisait pas. Ou alors avec des huiles florales à la texture épaisse et au parfum aussi étouffant que le Sephora des Champs-Elysées un samedi après-midi. Subtilité, quand tu nous tiens.
La pression de la société sur le corps de la femme ne datant pas d'hier, le XIXe siècle aussi avait son lot de remèdes plus ou moins approximatifs pour maigrir. L'un d'entre eux consistait simplement à ingurgiter un ténia qui pourra grandir à son aise dans l'intestin, et ainsi faire office d'anneau gastrique naturel.
Vous n'êtes pas très à l'aise avec l'idée qu'un corps étranger s'installe dans votre organisme ? Rabattez-vous plutôt vers la formule miracle du moment, composée d'arsenic ou de strychnine, une sorte de mort aux rats.
Tout était fait pour que l'on évite à tout prix les contacts avec l'entrejambe, considérés comme impurs, même lors de nos besoins. Les culottes avaient donc un trou au niveau du vagin et des fesses et les femmes faisaient leur petite affaire debout, dans un pot de chambre. Pratique quand on porte une robe avec quatre couches dont une construction quasi eiffelienne en guise de crinoline.
Pour ce qui est du visage, pas de crème hydratante aux actifs d'aloe vera mais un rituel plus drastique : se badigeonner de graisse d'animal crue à la façon d'un masque de nuit ou se servir de blanc de plomb comme d'un fond de teint. Résultat ? La mort par empoisonnement si ce n'est pas la puanteur qui vous tue d'abord.
Bizarrement, notre envie de vivre au même siècle que les soeurs Brönte vient de s'amoindrir considérablement. L'Angleterre romantique, d'accord, mais seulement si on peut faire l'amour (et se toucher) comme on l'entend. On se contentera donc de regarder Young Victoria depuis son bain chaud, un soin 100 % bio sur le visage.