Pour la modique somme de 50 dollars, Seenu Kumari, une Indienne de 19 ans, peut se targuer d'avoir mis au point une création sophistiquée pour porter secours aux femmes de son pays. Originaire d'Uttar Pradesh, État situé dans le nord de l'Inde, la jeune femme a fabriqué elle-même une culotte anti-viol. En apparence, le dispositif a tout du sous-vêtement féminin classique. À la différence près que le partie supérieure de la culotte est munie d'une ceinture et d'un boîtier électroniques. Ce dispositif a été imaginé de manière à ce que l'agresseur ne puisse pas retirer la culotte, qui se "déverrouille" uniquement via un code électronique que l'on peut composer directement sur le petit clavier du boîtier.
Mais le dispositif de Seenu Kumari va encore plus loin : muni d'un système de géolocalisation et d'une mini-caméra, il permet de prévenir les proches de la victime et les autorités indiennes qu'une agression a lieu en fournissant la position exacte de la porteuse et de l'agresseur. Et si les forces de l'ordre arrivent trop tard, la caméra s'activera automatiquement et prendra les agresseurs en photo afin de pouvoir les retrouver plus facilement et les arrêter.
La jeune femme, qui a récemment déposé un premier prototype de sa culotte anti-viol à la Nationale Innovation Foundation, espère que sa création pourra réduire le nombre de violences en Inde et sauver des femmes victimes d'agressions sexuelles. "Les femmes n'auront pas besoin de porter constamment ce sous-vêtement. Elles peuvent le porter lorsqu'elles voyagent seules ou si elles se trouvent dans un endroit dangereux. J'espère que cela pourra aider à sauver les femmes des agresseurs qui essaieraient de violer leur dignité", explique-t-elle dans une vidéo diffusée sur Youtube (voir ci-dessous).
L'idée d'une culotte anti-viol n'est pas nouvelle : en 2013, deux entrepreneures New-Yorkaises (Ruth et Yval) ont lancé une marque de vêtements anti-viol, avec un dispositif similaire à celui proposé par Seenu Kumari. Le projet avait cependant soulevé de vives critiques. Dans une tribune du Huffington Post, l'auteure américaine Louise Pennington considérait notamment que l'invention était "juste une autre façon de blâmer les femmes victimes de viols, plutôt que de s'attaquer à l'épidémie de violence masculine." Ce "marketing de la peur" soulève en effet l'inquiétude de répandre l'idée selon laquelle tous les hommes sont des prédateurs et les femmes des proies vulnérables. Mais la situation en Inde- dépeint comme le pays du viol par les médias occidentaux depuis le viol collectif d'une jeune femme dans un bus en décembre 2012- amène à considérer les choses différemment.
Après cette tragique affaire, l'Organisation des Nations Unies a demandé d'organiser un "débat d'urgence" sur les agressions sexuelles faites à l'encontre des femmes en Inde le 31 décembre 2012. En réaction, le gouvernement indien a diffusé des campagnes de prévention et renforcé les sanctions pénales à l'encontre des agresseurs sexuels. Mais le nombre de crimes sexuels en Inde reste très élevé. D'après le Bureau national du crime, 34 000 viols ont été enregistrés en Inde en 2015 (dont 2199 à New Delhi), soit presque plus de 40% de plus qu'en 2012. Le harcèlement de rue semble quant à lui se banaliser : en 2015, 79% des femmes indiennes déclarent l'avoir subi au moins une fois. Ces hausses s'expliquent cependant par le fait que les victimes portent davantage plainte qu'auparavant.