Qu'ils nous fassent voyager en plein coeur de l'Italie, dépeignent des tourments familiaux ou des révolutions intimes, les romans à rattraper à tout prix cet été valorisent les sensibilités féminines. Indignées, passionnées, créatives... Tout cela à la fois dans le cas de certaines fictions inoubliables. Petite sélection perso à caler dans sa valise avant de partir en vacances.
Ada a l'habitude de se rendre en Italie avec son fils pour les vacances. Mais cette année, sa rencontre inattendue avec une jeune femme rousse, Eva, risque bien de bousculer ses journées de farniente caniculaire.
Les frénétiques est le roman estival parfait : un voyage dépaysant au coeur de Naples séduisant le regard tout en donnant le la aux sensations pures à travers un style très organique. Sensations visuelles et gustatives, choc du goût (des plats italiens et des vins) et du soleil, caresses des vagues, et des corps... Un sentiment d'ivresse recouvre cette troublante et envoûtante escale, où s'entremêlent charme, angoisses et mystères.
Par l'autrice du Petit éloge de la jouissance féminine.
Les frénétiques d'Adeline Fleury. Editions Julliard, 210 p.
Et si Sylvia Plath, légende de la poésie américaine (mais aussi autrice de romans et de nouvelles), ne s'était pas donnée la mort au tout début des années soixante ? Pour sa première fiction hors-littérature jeunesse, Coline Pierré rend hommage à une brillante autrice féministe de la plus belle des manières : en romançant sa vie.
Célébration des golden sixties (entre révolutions sociales et Beatles-mania), des poétesses et de l'expression de soi, Pourquoi pas la vie est un roman foisonnant d'idées et d'idéaux, reproduisant avec minutie une époque rétro pour invoquer des enjeux finalement très actuels - visibilité des femmes artistes, égalité des sexes, regard féminin.
Une ode à la liberté dont le style chaleureux et limpide nous émeut et nous réjouit. C'est également un récit qui démontre comment la création panse des cicatrices, émancipe et permet une forme de sororité.
Pourquoi pas la vie de Coline Pierré. Editions L'Iconoclaste, 390 p.
Derrière ce titre dansant se cache le premier roman d'Alizé Cornet, familière du public pour sa carrière de joueuse de tennis professionnelle. Une fiction inspirée de son histoire familiale, et qui nous embarque aux côtés de trois femmes dans le Nice des années soixante. Des protagonistes dont les caractères s'opposent, mais dont les trajectoires s'avèrent synonymes d'expériences communes et de sororité.
La valse des jours est une saga familiale ambitieuse comme on aime à en lire (surtout lorsque les journées s'éternisent), au style immersif et à la polyphonie stimulante, promesse d'émotions fortes et de sensibilités suscitant l'empathie. Un roman qui risque bien de vous captiver dès la première page.
La valse des jours d'Alizé Cornet. Editions Flammarion, 370 p.
La narratrice de Ce prochain amour est une victime de violences et d'emprise. Un chapitre après l'autre, elle nous relate sa vie tout en s'attardant sur les sujets qui l'indignent : le victim blaming et les féminicides, les injonctions à la maternité et à la féminité, les manipulations psychologiques diverses qui peuvent envenimer les relations conjugales et amoureuses...
A l'état des lieux d'une société patriarcale se conjuguent les affects intimes de la protagoniste, l'espace de monologues puissants qui touchent droit au coeur. Un premier roman à la prose fracassante, qui par instants rappelle par la frontalité de son style la littérature subversive de Virginie Despentes.
Ce prochain amour de Nora Benalia. Editions Hors d'Atteintes, 200 p.
Premier roman à l'écriture remarquable, Les méduses n'ont pas d'oreilles nous plonge dans la tête d'une jeune femme atteinte de surdité. Comment va-t-elle vivre cet handicap dans une société validiste ? Adèle Rosenfeld rétorque à cette interrogation en privilégiant une approche sensorielle et sociale.
La subjectivité de Louise, la protagoniste, nous promène d'examens médicaux en évocations poétiques. Un regard singulier, et rare dans la littérature française. A travers cet handicap qui la met à part, l'autrice digresse sur les nuances du langage tout en déployant un imaginaire émouvant et drôle, débordant de sensibilité et de trouvailles stylistiques. Une perle.
Les méduses n'ont pas d'oreilles d'Adèle Rosenfeld. Editions Grasset.
Cette "mélodie de la lutte" embrasse un genre stimulant : la biographie romancée, employant les outils narratifs du roman pour relater des faits réels. La plume vive et très dynamique de Sophie Adriansen, experte pour narrer les vies d'autrui (on lui doit également Grace Kelly – D'Hollywood à Monaco, le roman d'une légende) délivre un portrait complet de la musicienne et chanteuse de légende Nina Simone, de ses débuts à son apogée artistique.
Le récit d'une femme noire évoluant dans une Amérique bien précise, celle de la lutte pour les droits civiques, mais aussi d'une prodige à la voix exceptionnelle. Le flux de son existence nous happe aussi aisément que ses chansons.
Nina Simone, mélodie de la lutte de Sophie Adriansen. Editions Charleston, 200 p.