Société
Loi contre les violences sexistes et sexuelles : les 3 mesures phares du projet
Publié le 21 mars 2018 à 14:48
Par Léa Drouelle
C'est ce mercredi 21 mars que la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa a présenté son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles.
Loi contre les violences sexistes et sexuelles : Marlène Schiappa dévoile son projet Loi contre les violences sexistes et sexuelles : Marlène Schiappa dévoile son projet© Getty Images
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Mercredi 21 mars, la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa a présenté son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles en Conseil des Ministres. Six mois après la déferlante #MeToo et #Balancetonporc, le gouvernement annonce ce nouveau projet comme une mesure forte pour lutter contre les formes de violence sexuelles et sexistes. On fait le point sur 3 mesures phares du projet.

Définir un âge de consentement à une relation sexuelle

L'annonce de fixer un âge légal pour le consentement sexuel des mineurs demeure sans conteste la mesure du projet de loi qui a suscité le plus de débats. En particulier après la décision polémique du tribunal de Pontoise qui en novembre dernier avait décidé d'acquitté un homme de 28 ans qui avait eu des relations sexuelles avec une fillette de 11 ans. Si le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) préconisait de l'abaisser à 13 ans, le président de la République Emmanuel Macron et Marlène Schiappa se sont prononcés dès novembre pour fixer cette limite d'âge à 15 ans.

La secrétaire d'Etat chargée de l'égalité hommes-femmes avait également évoqué la possibilité que tout acte sexuel entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans fasse l'objet d'une condamnation et ce, même en l'absence de violence, de menace ou de contrainte.

Une annonce qui a suscité de vives inquiétudes chez les magistrats, qui craignent de voir la présomption d'innocence des jeunes majeur.es ayant des relations consentantes avec les mineur.es âgé.es de moins de 15 ans disparaître. Pour éviter le risque d'inconstitutionnalité, le Conseil d'Etat- institution publique qui conseille le gouvernement dans la préparation des projets de loi- a retoqué la mesure en insérant la notion de contrainte morale.

"Lorsque les faits seront commis sur la personne d'un mineur de [moins de] 15 ans, la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l'abus de l'ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes", explique le texte de projet de loi. Concrètement, cela signifie donc que la disposition de cette loi insistera sur l'immaturité des mineurs tout en évitant de condamner automatiquement un majeur qui aurait eu une relation sexuelle consentie avec un mineur.

Le projet de loi de Marlène Schiappa revient également sur le délit d'atteinte sexuelle. Actuellement, le Code Pénal réprime le fait pour un.e majeur.e d'avoir une relation sexuelle consentie avec un.e mineure de moins de 15 ans. Qualifiée d'atteinte sexuelle, elle est considérée comme un délit passible de 5 ans d'emprisonnement. Le nouveau projet de loi prévoit de faire passer cette peine à 10 ans.

Rallonger les délais de prescription pour les crimes sexuels sur mineur.e.s

Autre grande mesure très attendue de ce projet de loi : celle d'un volet consacré au rallongement des délais de prescription pour les crimes sexuels pour les mineur.e.s de moins de 15 ans. Un sujet qui résonne avec l'actualité notamment depuis l'affaire du père Preynat, un Cardinal de Lypn accusés de nombreux actes de pédophilie sur plusieurs mineurs et pour lesquels une minorité de victimes a porté plainte en raison de délais de prescription trop courts.

Alors qu'ils sont actuellement fixés à 20 ans après la majorité de la victime, Marlène Schiappa avait annoncé en octobre qu'elle souhaiterait ouvrir un débat sur l'allongement des délais de prescription à 30 ans à compter de la majorité.

Les associations de protection de la petite enfance réclamaient quant à elles l'imprescriptibilité des faits, une mesure actuellement réservée aux crimes contre l'humanité et contre laquelle Marlène Schiappa s'était déjà prononcée. "Je pense qu'on ne passerait pas l'étape du Conseil constitutionnel. Ensuite, certains experts estiment qu'il est bon pour les victimes d'avoir une date butoir. On sait par exemple que certaines personnes retrouvent la mémoire précisément à l'approche de cette échéance", avait-elle estimé.

Une mission pilotée par l'animatrice Flavie Flament (qui a été violée par le photographe David Hamilton à l'âge de 13 ans) et l'ancien magistrat Jacques Calmettes a finalement permis d'aboutir à un consensus pour rallonger le délai de prescription à 30 ans.

Une amende de 90 euros pour délit d'outrage sexiste

Dernière mesure phare du projet de loi, mais non des moindres : condamner et verbaliser le harcèlement de rue requalifié de "délit d'outrage sexiste" dans un rapport parlementaire rendu fin février. Ce terme comprend les gestes déplacés, les sifflements, les insultes, les menaces, les remarques obscènes ou encore le fait de suivre une personne dans la rue. Dans leur rapport, les députés proposaient de verbaliser un acte d'outrage sexiste par une amende de 90 euros, pouvant aller jusqu'à 350 euros en cas de récidive.

Lundi 19 mars, le Haut Conseil pour l'égalité hommes femmes a recommandé une amende de cinquième classe, dont le montant s'élèverait à 1500 euros en minorée (amende payée tout de suite), à 3000 euros en cas de récidive et à 25 000 euros et six mois d'emprisonnement en cas d'agissements commis par plusieurs personnes.

La secrétaire d'État Marlène Schiappa semble avoir tenu compte de ces deux recommandations, puisqu'elle propose de sanctionner l'infraction par une contravention de catégorie 4, d'un montant de 90 euros pouvant aller de 750 euros, voire 1500 euros en cas de circonstances aggravantes et 3000 euros en cas de récidive.

"Loin d'être suffisant"

Pour Céline Piques, porte-parole de l'association Osez le Féminisme !, c'est un bon début, mais cela reste loin d'être suffisant. "Tout ce qui vise à lutter contre les violences sexistes est une bonne chose. Mais c'est une réponse parcellaire, qui ne peut constituer l'alpha et l'oméga de la lutte contre les violences faites aux femmes", a-t-elle déclaré au journal Le Monde.

Reste à savoir comment cette sanction sera concrètement appliquée, puisqu'elle implique que l'infraction soit repérée en flagrant délit par les forces de l'ordre. Pour répondre au scepticisme général qui entoure cette question, Marlène Schiappa et la garde des Sceaux Nicole Belloubet ont rappelé la promesse du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb de recruter 10 000 policiers.

"Il fallait des réponses claires et précises à cet état de fait. L'outrage sexiste est puni d'une contravention qui sera dressée par un policier qui verra l'événement ou prendra acte d'une situation dénoncée et prouvée par une victime", a détaillé Nicole Belloubet, qui admet que ce sera compliqué, mais que "cela aura une vertu pédagogique puissante".

Le projet de loi ne semble en revanche pas faire mention des recommandations du HCE d'ouvrir la possibilité de porter plainte et de verbaliser les délits d'outrage sexiste a posteriori. Un détail regrettable, quand on sait que 100% des femmes ont déjà été harcelées dans les transports en commun et que les agents de sécurité ne peuvent pas surveiller constamment tous les espaces publics.

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