L'heroin chic, c'est quoi ? Les plus nostalgiques s'en souviennent : c'est une esthétique mode, popularisée par les mannequins des années 90 comme l'iconique Kate Moss. Elle consiste en un éloge de la maigreur, des corps (très) minces ou "anorexiques", et, par extension, une glamourisation des troubles alimentaires. Pas vraiment ce que l'on a envie de revoir aujourd'hui sur nos écrans, nos podiums ou dans nos magazines.
Pourtant, cette romantisation des corps sous-alimentés redeviendrait tendance. Cela, c'est le New York Post qui l'affirme dans une publi très remarquée, une punchline en évidence : "Heroin chic is back". Comme si l'on ne pouvait pas y échapper. En avant, une photographie où l'on retrouve certaines personnalités actuelles influentes de la mode comme Bella Hadid et, en guise de modèle, un portrait vintage de... Kate Moss, toujours.
Autant dire que ce come-back ne réjouit pas tout le monde...
Dans son post abondamment commenté, le "NYP" semble nous affirmer quelque chose : l'ère de Lizzo et de Cardi B, des mannequins grande taille et des militances body positive sur les podiums serait déjà terminée - d'aucuns diraient pourtant qu'elle a à peine commencé. L'heure serait maintenant à un retour de "l'heroin chic", mouvance-inverse incarnée par d'autres figures de la mode : Bella Hadid, Lila Moss, Kaia Gerber...
Bref, des filles minces qui viendraient prendre la relève d'icônes décomplexées type Megan Thee Stallion. Affirmation gratuite - comme si les deux ne pouvaient pas cohabiter - et quelque peu décalée. A-t-on vraiment envie de revoir un éloge "so chic" des corps minces et normés dans une époque où les femmes essaient tant bien que mal d'assumer leur corps et leurs rondeurs, malgré les modèles que promeuvent les publicités ?
Cette assertion-là nous renvoie à une idéalisation d'un physique considéré comme exemplaire, auquel il faudrait se conformer... Même Kim et Khloé Kardashian "ont l'air de plus en plus maigres ces derniers temps", affirme encore le média. Difficile de ne pas voir là une évocation décalée voire même has-been à l'ère des mobilisations, où les mannequins elles-mêmes ne se privent plus de faire savoir leur engagement féministe et body positive.
Cela fait par exemple des années qu'une mannequin très suivie comme Irena Drezi, emblème d'un ras-le-bol général à l'encontre d'une industrie beaucoup trop normée et insuffisamment inclusive, fait savoir son ressenti, et laisse voir ses courbes, ses vergetures, à l'opposé des diktats et des filtres.
Plus encore, les paroles les plus engagées fustigent la tournure gênante de la chose. "Répétez après moi, les corps des femmes ne sont pas des tendances. Les troubles alimentaires ne doivent pas être glorifiés. La toxicomanie n'est pas une esthétique", dénonce une lectrice. Le message est clair : la génération Z ne doit pas croire que toute cette imagerie-là est "super cool". D'autres voix, plus que ringarde, jugent même la tendance dangereuse...
Actrice et militante body positive, Jameela Jamil ne s'est ainsi pas privée de fustiger ce retour de hype : "Non, nous avons déjà essayé cela dans les années 90 et des millions de personnes ont développé des troubles de l'alimentation. J'en ai eu un pendant environ 20 ans. On ne recommence pas, on ne revient pas en arrière. Nos corps ne sont pas des tendances. Nos morphologies ne sont pas des tendances. Allez vous faire foutre".
Voilà qui est clair ! Mais l'actrice britannique a également poursuivi son discours bien vénér (à juste titre pourrait-on dire) l'espace d'un post écrit : "Comment les médias osent-ils donner de la place à ces conneries ?! Je suis de cette génération et j'ai perdu deux décennies de ma vie avec ça. Je vous SUPPLIE de rejeter violemment cette tendance". Pour la comédienne, il n'est pas question d'encourager "la propagation de cet enfer".
"Je suis dégoûtée. L'anorexie est la principale cause de décès de TOUTE maladie mentale. Il n'y a rien de * chic * dans une toxicomanie mortelle qui vous rend si mince parce que vous mourez lentement. On sous-estime tant notre droit d'être heureux avec nous-mêmes. Pourquoi devons-nous être contraints à des extrêmes constants ?", dénonce encore la personnalité médiatique, qui peine vraiment à trouver le "cool" dans cette tendance.
Pour beaucoup de voix féministes, ce retour... Est une régression. C'est ce que déplorent les lectrices et lecteurs du média en ligne Be a Feminist : "Non... non, non, non on ne va pas reproduire ça pour nos enfants", "C'est ce truc a causé ma boulimie. Les médias nous assuraient qu'il était bon d'être presque anorexique", "Il ne faudrait propager AUCUNE norme d'image corporelle dite idéale, car c'est toxique et irréaliste", peut-on lire.
D'aucuns, à l'unisson de la star, voient également là une glamourisation de la toxicomanie et des troubles de la santé mentale. De quoi faire grincer des dents donc, derrière le bright, le sexy et les flashes...