Lors de sa performance à l'émission américaine Saturday Night Live, la rappeuse Megan Thee Stallion lançait un message fort : à la fin de sa chanson, les mots "Protect Black Women" ("Protégez les femmes noires") s'affichaient sur un écran géant situé derrière elle et ses danseuses. Un cri de colère qui témoignait notamment de son indignation envers la justice américaine, et la façon dont celle-ci gère le meurtre de Breonna Taylor, tuée de huit balles par des policiers de Louisville alors qu'elle dormait dans son lit. Et qui a suscité une vive polémique.
Aujourd'hui, l'artiste interprète de WAP, son titre en duo avec Cardi B, publie un texte poignant dans le New York Times, qui s'attaque au racisme aux stéréotypes destructeurs que subissent au quotidien les femmes noires.
"Qu'est-ce que cela signifie d'être une femme de couleur ?", interroge-t-elle dans une vidéo qui illustre ses mots. Elle énumère ensuite une liste d'injonctions ravageuses qui leur sont infligées : "S'aimer soi-même, mais pas trop, sinon on passe pour vaniteuse ? Être une lady dans la rue et une furie dans les draps ? Hériter de l'amour de sa grand-mère, mais toujours tomber amoureuse du mauvais type ? Twerker avec son homme, mais pas avec ses amies ? Être une femme à qui on dit sans cesse qu'elle est trop ou pas assez ?"
Elle poursuit : "Avoir constamment à prouver qu'elle est une victime, car la société est toujours du côté de l'homme. Ne pas avoir la possibilité d'exprimer ses traumas, parce qu'elle ne peut pas montrer sa faiblesse. Être une femme à qui on dit sans cesse qu'elle est trop sombre de peau, trop mince, trop 'bitch'. Être assassinée, battue, agressée, et mise en question si elle évoque tout cela..."
Des crimes qu'elle a vécus, pour certains : en juillet dernier, lors d'une soirée organisée par Kylie Jenner, le rappeur canadien Tory Lanez (avec qui elle précise ne pas être en couple) lui aurait tiré deux fois dessus, la blessant au pied. Il a depuis été inculpé par la police de Los Angeles pour "agression avec une arme semi-automatique" et "détention d'une arme non-enregistrée et chargée dans un véhicule". Il risque jusqu'à 22 ans de prison.
La Texane de 25 ans évoque également la fétichisation dont fait l'objet le corps des femmes noires, citant un exemple bien précis : "Si nous nous habillons avec des vêtements moulants, nos courbes deviennent un sujet de conversation. Le fait que Serena Williams, la plus grande athlète de tous les temps et de tous les sports, ait eu à se justifier de porter un body à Roland-Garros est une preuve tangible des égarements qu'inspire l'obsession du corps des femmes noires".
Mais aussi la compétition nocive orchestrée entre les femmes au sein du hip-hop notamment : "comme si cet écosystème dominé par le mâle ne pouvait tolérer qu'une seule femme rappeuse à la fois : les gens ont essayé un nombre incalculable de fois de m'opposer à Nicki Minaj et à Cardi B, deux incroyables artistes et femmes puissantes".
Elle aborde ensuite l'élection présidentielle américaine, appelant à voter pour la démocrate Kamala Harris, sans "naïveté" et en sachant qu'après le 3 novembre, les femmes noires "devront probablement recommencer à se battre toute seules, pour elles-mêmes".
"Dans les semaines qui vont s'écouler jusqu'à l'élection, on attend des femmes noires qu'elles apportent la victoire aux candidats démocrates. En à peine plus d'un siècle, nous sommes passées d'être incapables de voter à constituer un électorat courtisé." Pourtant, certaines choses ne bougent pas : "Malgré cela, et même si tant de personnes ont accueilli positivement les messages concernant la justice raciale cette année, les femmes noires sont constamment victimes de manque de respect et méprisées au quotidien".
Et de lancer : "Nous méritons d'être protégées en tant qu'êtres humains", rappelant qu'aux Etats-Unis, le taux de mortalité maternelle touchant les mères noires est presque trois fois supérieur à celui des mères blanches.